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Daniel Pennac QUOTES

188 " 10. Così procedono i nostri discorsi, eterna vittoria del linguaggio sull'opacità delle cose, silenzi luminosi che dicono più di quel che tacciono. Siamo persone attente e informate, non ci facciamo certo infinocchiare dalla nostra epoca. Il mondo intero è in quel che diciamo -e tutto illuminato da quel che omettiamo. Siamo lucidi. O meglio, abbiamo la passione della lucidità..
Da dove viene allora questa vaga tristezza da dopo conversazione? Questo silenzio di mezzanotte, nella casa di nuovo restituita a se stessa? E solo la prospettiva dei piatti da lavare? Oppure.... A qualche centinaio di metri da li - semaforo rosso - i nostri amici sono immersi nello stesso silenzio che, passata l'ebbrezza della lucidità, prende le coppie di ritorno da una serata, nelle auto immobili. E come un retrogusto di sbronza, la fine di un'anestesia, una lenta risalita verso la coscienza, il ritorno a se stessi e la sensazione vagamente dolorosa di non riconoscerci in quel che abbiamo detto. Non c'eravamo. Tutto il resto c'era, sicuro, gli argomenti erano giusti - e da questo punto di vista avevamo ragione - ma noi non c'eravamo. È indubbio, ancora una serata sacrificata alla pratica anestetizzante della lucidità.
È così... uno crede di tornare a casa e invece torna in se stesso.
Quel che dicevamo prima, intorno al tavolo, era agli antipodi di quello che veniva detto in noi. Parlavamo della necessità di leggere, ma eravamo vicini a lui, lassù, lui che non legge. [...] "

Daniel Pennac , Comme un roman

190 " Ce sont des gosses en échec scolaire, m'explique-t-il, la mère est seule le plus souvent, certains ont déjà eu des ennuis avec la police, ils ne veulent pas entendre parler des adultes, ils se retrouvent dans des classes relais, quelque chose comme tes classes aménagées des années soixante-dix, je suppose. Je prends les caïds, les petits chefs de quinze ou seize ans, je les isole provisoirement du groupe, parce que c'est le groupe qui les tue, toujours, il les empêche des e constituer, je leur colle une caméra dans les mains et je leur confie un de leurs potes à interviewer, un gars qu'ils choisissent eux-mêmes. Ils font l'interview seuls dans un coin, loin des regards, ils reviennent, et nous visionnons le film tous ensemble, avec le groupe, cette fois. Ça ne rate jamais : l'interviewé joue la comédie habituelle devant l'objectif, et celui qui filme entre dans son jeu. Ils font les mariolles, ils en rajoutent sur leur accent, ils roulent des mécaniques dans leur vocabulaire de quatre sous en gueulant le plus fort possible, comme moi quand j'étais môme, ils en font des caisses, comme s'ils s'adressaient au groupe, comme si le seul spectateur possible, c'était le groupe, et pendant la projection leurs copains se marrent. Je projette le film une deuxième, une troisième, une quatrième fois. Les rires s'espacent, deviennent moins assurés. L'intervieweur et l'interviewé sentent monter quelque chose de bizarre, qu'ils n'arrivent pas à identifier. À la cinquième ou à la sixième projection, une vraie gêne s'installe entre leur public et eux. À la septième ou à la huitième (je t'assure, il m'est arrivé de projeter neuf fois le même film !), ils ont tous compris, sans que je le leur explique, que ce qui remonte à la surface de ce film, c'est la frime, le ridicule, le faux, leur comédie ordinaire, leurs mimiques de groupe, toutes leurs échappatoires habituelles, et que ça n'a pas d'intérêt, zéro, aucune réalité. Quand ils ont atteint ce stade de lucidité, j'arrête les projections et je les renvoie avec la caméra refaire l'interview, sans explication supplémentaire. Cette fois on obtient quelque chose de plus sérieux, qui a un rapport avec leur vie réelle ; ils se présentent, ils disent leur nom, leur prénom, ils parlent de leur famille, de leur situation scolaire, il y ades silences, ils cherchent leurs mots, on les voit réfléchir, celui qui répond autant que celui qui questionne, et, petit à petit, on voit apparaître l'adolescence chez ces adolescents, ils cessent d'être des jeunes quis 'amusent à faire peur, ils redeviennent des garçons et des filles ed leur âge, quinze ans, seize ans, leur adolescence traverse leur apparence, elle s'impose, leurs vêtements, leurs casquettes redeviennent des accessoires, leur gestuelle s'atténue, instinctivement celui qui filme resserre le cadre, il zoome, c'est leur visage qui compte maintenant, on dirait que l'interviewer écoute le visage de l'autre, et sur ce visage, ce qui apparaît, c'est l'effort de comprendre, comme s'ils s'envisageaient pour la première fois tels qu'ils sont : lis font connaissance avec la complexité. (p. 236-237) "

Daniel Pennac , Chagrin d'école