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" Mi sono unito a un gruppetto di uomini, piuttosto giovani, un responsabile commerciale, un viticoltore equo e solidale, un ristoratore, c’è di tutto nei gruppi di meditazione. A un certo punto il giovane che lavorava nella ristorazione, pile verde e viola, orecchino, un forte accento di Béziers, ha detto che per lui era stata davvero dura perché, per quanto si sforzasse e cercasse di concentrarsi sulla respirazione, cazzo, pensava tutto il tempo alla stessa cosa. Dieci giorni di seguito fermo, senza nessuna distrazione, a pensare tutto il tempo, ma proprio tutto il tempo, alla stessa cosa. E cioè, a cosa? «A un bel paio di tette!». L’ho adorato. "
― Emmanuel Carrère , Yoga
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" Le plus passionnant, ce sont les six volumes suivants de l'Histoire des origines du christianisme, où est racontée en détail cette histoire beaucoup moins connue : comment une petite secte juive, fondée par des pêcheurs illettrés, soudée par une croyance saugrenue sur laquelle aucune personne raisonnable n'aurait misé un sesterce, a en moins de trois siècles dévoré de l'intérieur l'Empire romain et, contre toute vraisemblance, perduré jusqu'à nos jours. Et ce qui est passionnant, ce n'est pas seulement l'histoire en soi extraordinaire que Renan raconte, mais l'extraordinaire honnêteté avec laquelle il la raconte, je veux dire sa façon d'expliquer au lecteur comment il fait sa cuisine d'historien : de quelles sources il dispose, comment il les exploite et en vertu de quels présupposés. J'ai sa façon d'écrire l'histoire, non pas ad probandum, comme il dit, mais ad narrandum : pas pour prouver quelque chose, mais simplement pour raconte ce qui s'est passé. J'aime sa bonne foi têtue, le scrupule qu'il met à distinguer le certain du probable, le probable du possible, le possible du douteux, et le calme avec lequel il répond aux plus violents de ses critiques : " Quant aux personnes qui ont besoin, dans l'intérêt de leur croyance, que je sois un ignorant, un esprit faux ou un homme de mauvaise foi, je n'ai pas la prétention de modifier leur opinion. Si ell est nécessaire à leur repos, je m'en voudrais de les désabuser." (p. 176-177) "
― Emmanuel Carrère , Le Royaume
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" Chaque fois que, parlant de mon travail, je versais dans l'ironie et le scepticisme, je pouvais compter sur lui [Hervé] pour me dire, par exemple :
"Tu dis que tu ne crois pas à la résurrection. Mais d'abord tu n'as aucune idée de ce que cela signifie, la résurrection. Et puis, en posant d'entrée cette incroyance, en en faisant un savoir et une supériorité sur les gens dont tu parles, tu t'interdis tout accès à ce qu'ils étaient et croyaient. Méfie-toi de ce savoir-là. Ne commence pas par te dire que tu en sais plus qu'eux. Efforce-toi d'apprendre auprès d'eux au lieu de leur faire la leçon. Ça n'a rien à voir avec la contrainte mentale consistant à essayer de croire quelque chose que tu ne crois pas. Ouvre-toi au mystère, au lieu de l'écarter a priori."
Je protestais, pour la forme. Mais même sans croire en Dieu, je lui ai toujours rendu grâce, à lui et à notre marraine, d'avoir placé Hervé auprès de moi. (p. 392-393) "
― Emmanuel Carrère , Le Royaume
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" D'une façon générale, chaque fois que je m'arrête pour faire le point depuis maintenant sept ans, c'est pour me féliciter d'être contre toute attente devenu un homme heureux. C'est pour m'émerveiller de ce que j'ai déjà accompli, me figurer ce que je vais accomplir encore, me répéter que je suis sur la bonne voie. Une grande partie de mes rêveries suit cette pente - et je m'y abandonne en invoquant la règle fondamentale de la méditation comme de la psychanalyse : consentir à penser ce qu'on pense, à être traversé par ce qui vous traverse. Ne pas se dire : c'est bien, ou c'est mal, mais : cela est, et c'est dans ce qui est que je dois m'établir.
Cependant, une petite voix têtue vient régulièrement troubler ces concerts d'autosatisfaction pharisienne. Cette petite voix dit que les richesses dont je me réjouis, la sagesse dont je me flatte, l'espoir confiant que j'ai d'être sur la bonne voie, c'est tout cela qui empêche l'accomplissement véritable. Je n'arrête pas de gagner, alors que pour gagner vraiment il faudrait perdre. Je suis riche, doué, loué, méritant et conscient de ce mérite : pour tout cela, malheur à moi !
Quand se fait entendre cette petite voix, celles de la psychanalyse et de la méditation essayent de la couvrir : pas de dolorisme, pas de culpabilité mal placée. Ne pas se flageller. Commencer par être bienveillant avec soi-même. Tout cela est plus cool, et me convient mieux. Pourtant je crois que la petite voix de l'Évangile dit vrai. Et comme le jeune homme riche, je m'en vais songeur et triste parce que j'ai de grands biens. (p. 414) "
― Emmanuel Carrère , Le Royaume
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" Dice che, a pensarci, è curioso che persone normali, intelligenti, possano credere a una cosa tanto pazzesca come la religione cristiana, una cosa in tutto e per tutto identica alla mitologia greca o alle favole. [...]
Eppure viene creduta. Sono in molti a crederci. Durante la messa recitano il Credo, ogni frase del quale è un insulto al buonsenso, e lo recitano nella loro lingua, che si presume capiscano. Quand’ero piccolo, la domenica mio padre mi portava in chiesa e gli dispiaceva che la messa non fosse più in latino, un po’ per passatismo, e un po’ perché, ricordo ancora le sue parole, «in latino non ci si accorgeva che scemenza fosse». Ci si può rassicurare dicendo: non ci credono. Come non credono a Babbo Natale. Fa parte di un retaggio, di abitudini secolari e belle alle quali sono attaccati. Tramandandole, affermano un legame, di cui vanno fieri, con ciò che ha ispirato le cattedrali e la musica di Bach. Borbottano quelle parole perché è la consuetudine, come noialtri radical-chic, per i quali il corso di yoga della domenica mattina ha preso il posto della messa, borbottiamo un mantra seguendo il maestro prima di cominciare la pratica. In questo mantra, tuttavia, ci auguriamo che la pioggia cada al momento giusto e tutti gli uomini vivano in pace, nient’altro che pii desideri, probabilmente, i quali però non offendono la ragione, e questa è una differenza sostanziale con il cristianesimo. "
― Emmanuel Carrère , Le Royaume