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" You learn more about life and people in two hours of war than in four decades of peace. War is dirty, sure, war is senseless, but come on! Civilian life is also senseless, in its sameness and it's reasonableness and because it dulls the instincts. The truth that no one dares speak aloud is that war is a pleasure, The greatest pleasure there is, otherwise it would stop immediately. Once you've tasted it, it's like heroin: you want more. (...) The taste for war, real war, is as natural to man as taste for peace, it's idiotic to want to eliminate it by repeating virtuously that peace is good and war is evil. In fact it's like men and women, yin and yang: you need both. "
― Emmanuel Carrère
2
" Au grand jour, à voix haute, il dit comme Susan Sontag, qui a écrit là-dessus un essai beau et digne, La Maladie comme métaphore : l'explication psychique du cancer est à la fois un mythe sans fondement scientifique et une vilenie morale, parce qu'elle culpabilise les malades. Cela, c'est la thèse officielle, la ligne du Parti. Dans le noir, en revanche, il dit ce que disent Fritz Zorn ou Pierre Cazenave : que son cancer n'était pas un agresseur étranger mais une partie de lui, un ennemi intime et peut-être même pas un ennemi. La première façon de penser est rationnelle, la seconde est magique. On peut soutenir que devenir adulte, à quoi est supposé aider la psychanalyse, c'est abandonner la pensée magique pour la pensée rationnelle, mais on peut soutenir aussi qu'il ne faut rien abandonner, que ce qui est vrai à un étage de l'esprit ne l'est pas à l'autre et qu'il faut habiter tous les étages, de la cave au grenier. J'ai l'impression que c'est ce que fait Étienne. "
― Emmanuel Carrère , Lives Other than My Own: A Memoir
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" Il avait lu des masses de livres là-dessus, tout récement celui d'Hannah Arendt sur le procès d'Eichmann à Jérusalem, il savait que le jour où il écrirait sérieusement, ce serait à ce sujet. Le nazisme, tous les habitants de la seconde moitié du XXe siècle doivent se débrouiller avec, vivre avec l'idée que c'est arrivé, comme lui devait vivre avec la mort de sa soeur Jane. On peut ne pas y penser, n'empêche que c'est là, et il faudrait que ce soit aussi dans son livre.
Rien de plus éloigné du tao que le nazisme. Les Japonais, pourtant, qui vénèrent le tao, avaient été alliés aux nazis. S'ils l'avaient emporté... Un moment, il laissa miroiter cette idée. On avait déjà fait des livres de ce genre, il en avait lu un d'après lequel le Sud avait gagné la guerre de Sécession. Il se demanda ce que serait un monde issu de la victoire de l'Axe, quinze ans plus tòt. Qui dirigerait le Reich ? Hitler toujours l'un de ses lieutenants ? Est-ce que cela changerait quelque chose que ce soit Bormann, Himmler, Goering ou Baldur von Schirach? Est-ce que cela changerait quelque chose pour lui, habitant de Point Reyes, Marin County ? Et quoi? "
― Emmanuel Carrère
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" Mi vergognavo ad essere affascinato da quella storia e da quel criminale mostruoso, Jean-Claude Romand. A distanza di tempo, credo che ciò che avevo tanta paura di condividere con lui lo condivido, lo condividiamo lui e io, con la maggior parte della gente, anche se per fortuna la maggior parte della gente non arriva al punto di mentire per vent’anni e poi sterminare tutta la famiglia. Penso che anche le persone più sicure di sé percepiscano con angoscia lo scarto che esiste fra l’immagine di sé che bene o male cercano di dare agli altri e quella che hanno di loro stesse nei momenti d’insonnia, o di depressione, quando tutto vacilla e si prendono la testa fra le mani, sedute sulla tazza del cesso. In ciascuno di noi c’è una finestra spalancata sull’inferno; cerchiamo di starne alla larga il più possibile, e io, per una mia precisa scelta, ho passato a quella finestra, ipnotizzato, sette anni della mia vita. "
― Emmanuel Carrère , Le Royaume
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" La phrase : "Je suis homme et rien de ce qui est humain ne m'est étranger" me semble être, sinon le dernier mot de la sagesse, en tout cas l'un des plus profonds, et ce que j'aime chez Etienne, c'est qu'il le prend à la lettre, c'est même ce qui selon moi lui donne le droit d'être juge. De ce qui le fait humain, pauvre, faillible, magnifique, il ne veut rien retrancher, et c'est aussi pourquoi dans le récit de sa vie je ne veux, moi, rien couper. "
― Emmanuel Carrère , Lives Other than My Own: A Memoir
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" L'homme qui se juge supérieur, inférieur ou égal à un autre ne comprend pas la réalité. Cette idée-là n'a peut-être de sens que dans le cadre d'une doctrine qui considère le "moi" comme une illusion et, à moins d'y adhérer, mille contre-exemples se pressent, tout notre système de pensée repose sur une hiérarchie des mérites selon laquelle, disons, le Mahatma Gandhi est une figure humaine plus haute que le tueur pédophile Marc Dutroux. Je prends à dessein un exemple peu contestable, beaucoup de cas se discutent, les critères varient, par ailleurs les bouddhistes eux-mêmes insistent sur la nécessité de distinguer, dans la conduite de la vie, l'homme intègre du dépravé. Pourtant, et bien que je passe mon temps à établir de telles hiérarchies, bien que comme Limonov je ne puisse pas rencontrer un de mes semblables sans me demander plus ou moins consciemment si je suis au-dessus ou au-dessous de lui et en tirer soulagement ou mortification, je pense que cette idée - je répète : "L'homme qui se juge supérieur, inférieur ou égal à un autre, ne comprends pas la réalité" est le sommet de la sagesse et qu'une vie ne suffit pas à s'en imprégner, à la digérer, à se l'incorporer, en sorte qu'elle cesse d'être une idée pour informer le regard et l'action en toutes circonstances. Faire ce livre, pour moi, est une façon bizarre d'y travailler. (p. 227-228) "
― Emmanuel Carrère , Limonov