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Mona Chollet QUOTES

41 " La plupart du temps, d'ailleurs, les femmes qui ont un compagnon fermé sur le plan émotionnel expriment un profond désespoir. Quand Shere Hite a mené son enquête auprès de 4 500 femmes dans les années 1970, 98 % de celles qui étaient dans une relation avec un homme auraient souhait un « dialogue plus intime » avec lui ; elles auraient voulu qu'il leur parle davantage « de ses pensées, sentiments, projets, préoccupations, et qu'il les interroge sur les leurs ». Certaines disaient ne s'être jamais senties aussi seules qu'au cours de leur mariage ; d'autres en pleuraient, la nuit, aux côtés de leur époux endormi. Il n'est pas certain que les choses aient radicalement changé en cinquante ans (ni qu'elles soient très différentes de ce côté-ci de l'Atlantique). En février 2021, dans le courrier du cœur du site américain The Cut, baptisté « Ask Polly », une trentenaire britannique partageait les dispositions dans lesquelles elle se sentait après une rupture. Dans leur entourage, disait-elle, tout le monde les considérés, son ex-compagnon et elle, comme le couple idéal. Et pourtant, son désir d'intimité avait toujours été frustré. « Je pense qu'entretenir une relation profonde, intensément nourrie, avec une autre personne fait partie des plus grandes joies que l'existence puisse vous apporter », écrivait-elle. Elle estimait aussi que faire son propre « travail de l'ombre », essayer de se comprendre soi-même, était un des aspects « les plus fascinants et les plus urgents » du fait d'être en vie. Lui, en revanche ne comprenait pas ce qu'elle voulait de lui et trouvait qu'elle compliquait les choses inutilement. Autour d'elle, elle voyait un grand nombre d'autres couples dans lesquels la femme espérait elle aussi de son partenaire le même investissement émotionnel et réflexif que le sien - en vain. Elle en venait à ne plus jamais vouloir être en couple avec un homme « qui n'aurait pas suivi une thérapie », clamait-elle. (p. 204-205) "

Mona Chollet , Réinventer l'amour : Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles

57 " « Les femmes aussi sont violentes, au moins psychologiquement » ; tel est l'argument classiquement utilisé pour nier la dimension de genre des violences au sein du couple. Il suggère que les victimes chercheraient les coups en maltraitant émotionnellement leur compagnon, en visant là où ça fait mal, au point de le faire sortir de ses gonds. Or il existe d'autres situations où les hommes peuvent subir des brimades et des humiliations, à commencer par le travail. Pour autant, les coups infligés à un supérieur hiérarchique, un contremaître ou un patron ne sont pas un fléau social, et nous ne tenons pas un décompte d'homicides dont ceux-ci seraient régulièrement victimes. Pourquoi serait-il possible de réfréner ses pulsions dans le contexte professionnel, et pas face à une femme ? Et, plus largement, pourquoi les hommes seraient-ils les seuls à ne pas pouvoir se maîtriser quand ils subissent un affront ou une humiliation ? Ce préjugé empêche aussi de voir les nombreux cas où la violence physique est exercée de manière froide et réfléchie. Par ailleurs, cette image des femmes comme des créatures à la parole venimeuse, capables de faire du mal de façon sournoise, comme on jette un mauvais sort, me rappelle la défiance à l'égard de la parole féminine qui se manifestait à l'époque des chasses aux sorcières. Quoi qu'il en soit, évoquer l'oppression subie dans une très grande majorité des cas par des femmes au sein du couple n'implique pas qu'elles seraient pour leur part incapables de la moindre violence, physique ou psychique. Cependant, du fait qu'elles sont structurellement en position de faiblesse, que la société autorise et favorise la violence chez les hommes et la décourage chez elles, le plus probable est que ces actes ou ces paroles restent dérisoires, et essentiellement réactifs ou défensifs. (p. 106-107) "

Mona Chollet , Réinventer l'amour : Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles