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" Lorsque, discutant avec un écrivain qui a trois enfants et qui voyage beaucoup, [Natacha Appanah] lui demande comment il fait, il lui réponde qu'il a « beaucoup de chance ». Elle commente : « "Beaucoup de chance", c'est, je crois, une façon moderne de dire "J'ai une épouse formidable". » Et elle fait les comptes : « Flannery O'Connor, Virginia Woolf, Katherine Mansfield, Simone de Beauvoir : pas d'enfants. Toni Morrison : deux enfants, a publié son premier roman à trente-neuf ans. Penelope Fitzgerald : trois enfants, a publié son premier roman à soixante ans. Saul Bellow : plusieurs enfants, plusieurs romans. John Updike : plusieurs enfants, plusieurs romans. » (p. 83-84) "
― Mona Chollet , Sorcières : La puissance invaincue des femmes
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" En outre, puisque leur corps offre aux femmes la possibilité de porter un enfant, la Nature veut également que ce soit à elles de changer les couches de ladite ou dudit enfant après sa naissance, de prendre les rendez-vous chez le pédiatre et aussi, tant qu'on y est, de laver le sol de la cuisine, de faire les lessives et de penser à racheter du papier hygiénique pendant les vingt-cinq années qui suivent. Cela s'appelle l' "instinct maternel". Oui, la Nature commande très précisément cela, et pas, par exemple, que la société, pour les remercier d'assumer la plus grosse part dans la perpétuation de l'espèce, mette tout en œuvre pour compenser les inconvénients qui en découlent pour elles ; mais alors pas du tout. Si vous avez compris cela, c'est que vous avez mal écouté la Nature. "
― Mona Chollet , Sorcières : La puissance invaincue des femmes
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" Celles qui refusent la maternité sont aussi confrontées au préjugé selon lequel elles détestent les enfants, telles les sorcières dévorant à belles dents de petits corps rôtis durant le sabbat ou jetant un sort mortel au fils du voisin. C'est doublement exaspérant. D'abord, parce que c'est loin d'être toujours le cas : parfois, c'est même une forte empathie avec les enfants qui peut vous retenir d'en mettre au monde, alors que d'autres pourront choisir d'en avoir pour des motifs discutables. [...] Par ailleurs, on a le droit de ne pas rechercher la compagnie des enfants, voire de les détester franchement, quitte à dépouiller impitoyablement l'entourage de ses illusions en foulant aux pieds l'image de douceur et de dévouement qu'il associe à la Femme. Là encore, de toute façon, il n'y a pas de bon comportement possible. "
― Mona Chollet , Sorcières : La puissance invaincue des femmes
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" En peaufinant des habitudes, on réaffirme inlassablement sa conception d'une vie bonne, on cultive son enracinement et ses liens, on tient en respect l'impermanence des choses, l'adversité, la séparation, la dépossession. Ignorant l'ennui, satisfaits de ce qu'ils ont, dotés d'une capacité d'émerveillement sans cesse renouvelée devant un décor immuable, les casaniers sont de fervents adeptes des rituels. "
― Mona Chollet , Chez soi
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" «Personne ne revendique le droit d'être soi-même. On est parcimonieux s'il s'agit de garder intact son patrimoine; mais quand il s'agit de perdre son temps, on est prodigue dans le seul domaine où l'avarice serait honorable.»
Le tort que nous nous infligeons en nous refusant le droit à ces plages régulières de quant-à-soi, de recul, de lenteur et de plénitude rêveuse, en le refusant aux autres, est incommensurable. Ce n'est pas un état productif, ou pas toujours, mais c'est un état fécond, et même vital, qui permet la respiration de l'être, son ancrage dans le monde. "
― Mona Chollet , Chez soi