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" « Les femmes aussi sont violentes, au moins psychologiquement » ; tel est l'argument classiquement utilisé pour nier la dimension de genre des violences au sein du couple. Il suggère que les victimes chercheraient les coups en maltraitant émotionnellement leur compagnon, en visant là où ça fait mal, au point de le faire sortir de ses gonds. Or il existe d'autres situations où les hommes peuvent subir des brimades et des humiliations, à commencer par le travail. Pour autant, les coups infligés à un supérieur hiérarchique, un contremaître ou un patron ne sont pas un fléau social, et nous ne tenons pas un décompte d'homicides dont ceux-ci seraient régulièrement victimes. Pourquoi serait-il possible de réfréner ses pulsions dans le contexte professionnel, et pas face à une femme ? Et, plus largement, pourquoi les hommes seraient-ils les seuls à ne pas pouvoir se maîtriser quand ils subissent un affront ou une humiliation ? Ce préjugé empêche aussi de voir les nombreux cas où la violence physique est exercée de manière froide et réfléchie. Par ailleurs, cette image des femmes comme des créatures à la parole venimeuse, capables de faire du mal de façon sournoise, comme on jette un mauvais sort, me rappelle la défiance à l'égard de la parole féminine qui se manifestait à l'époque des chasses aux sorcières. Quoi qu'il en soit, évoquer l'oppression subie dans une très grande majorité des cas par des femmes au sein du couple n'implique pas qu'elles seraient pour leur part incapables de la moindre violence, physique ou psychique. Cependant, du fait qu'elles sont structurellement en position de faiblesse, que la société autorise et favorise la violence chez les hommes et la décourage chez elles, le plus probable est que ces actes ou ces paroles restent dérisoires, et essentiellement réactifs ou défensifs. (p. 106-107) "

Mona Chollet , Réinventer l'amour : Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles


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Mona Chollet quote : « Les femmes aussi sont violentes, au moins psychologiquement » ; tel est l'argument classiquement utilisé pour nier la dimension de genre des violences au sein du couple. Il suggère que les victimes chercheraient les coups en maltraitant émotionnellement leur compagnon, en visant là où ça fait mal, au point de le faire sortir de ses gonds. Or il existe d'autres situations où les hommes peuvent subir des brimades et des humiliations, à commencer par le travail. Pour autant, les coups infligés à un supérieur hiérarchique, un contremaître ou un patron ne sont pas un fléau social, et nous ne tenons pas un décompte d'homicides dont ceux-ci seraient régulièrement victimes. Pourquoi serait-il possible de réfréner ses pulsions dans le contexte professionnel, et pas face à une femme ? Et, plus largement, pourquoi les hommes seraient-ils les seuls à ne pas pouvoir se maîtriser quand ils subissent un affront ou une humiliation ? Ce préjugé empêche aussi de voir les nombreux cas où la violence physique est exercée de manière froide et réfléchie. Par ailleurs, cette image des femmes comme des créatures à la parole venimeuse, capables de faire du mal de façon sournoise, comme on jette un mauvais sort, me rappelle la défiance à l'égard de la parole féminine qui se manifestait à l'époque des chasses aux sorcières. Quoi qu'il en soit, évoquer l'oppression subie dans une très grande majorité des cas par des femmes au sein du couple n'implique pas qu'elles seraient pour leur part incapables de la moindre violence, physique ou psychique. Cependant, du fait qu'elles sont structurellement en position de faiblesse, que la société autorise et favorise la violence chez les hommes et la décourage chez elles, le plus probable est que ces actes ou ces paroles restent dérisoires, et essentiellement réactifs ou défensifs. (p. 106-107)