Home > Work > The Crisis of the Modern World

The Crisis of the Modern World QUOTES

11 " Ce qui est tout à fait extraordinaire, c’est la rapidité avec laquelle la civilisation du Moyen-Âge tomba dans le plus complet oubli ; les hommes du XVIIe siècle n’en avaient plus la moindre notion, et les monuments qui en subsistaient ne représentaient plus rien à leurs yeux, ni dans l’ordre intellectuel, ni même dans l’ordre esthétique ; on peut juger par là combien la mentalité avait été changée dans l’intervalle. Nous n’entreprendrons pas de rechercher ici les facteurs, certainement fort complexes, qui concoururent à ce changement, si radical qu’il semble difficile d’admettre qu’il ait pu s’opérer spontanément et sans l’intervention d’une volonté directrice dont la nature exacte demeure forcément assez énigmatique ; il y a, à cet égard, des circonstances bien étranges, comme la vulgarisation, à un moment déterminé, et en les présentant comme des découvertes nouvelles, de choses qui étaient connues en réalité depuis fort longtemps, mais dont la connaissance, en raison de certains inconvénients qui risquaient d’en dépasser les avantages, n’avait pas été répandue jusque là dans le domaine public (1). Il est bien invraisemblable aussi que la légende qui fit du moyen âge une époque de « ténèbres », d’ignorance et de barbarie, ait pris naissance et se soit accréditée d’elle-même, et que la véritable falsification de l’histoire à laquelle les modernes se sont livrés ait été entreprise sans aucune idée préconçue ; mais nous n’irons pas plus avant dans l’examen de cette question, car, de quelque façon que ce travail se soit accompli, c’est, pour le moment, la constatation du résultat qui, en somme, nous importe le plus.

(1) Nous ne citerons que deux exemples, parmi les faits de ce genre qui devaient avoir les plus graves conséquences : la prétendue invention de l’imprimerie, que les Chinois connaissaient antérieurement à l’ère chrétienne et la découverte « officielle » de l’Amérique, avec laquelle des communications beaucoup plus suivies qu’on ne le pense avaient existé durant tout le moyen âge. "

René Guénon , The Crisis of the Modern World

12 " Les Occidentaux, toujours animés par ce besoin de prosélytisme qui leur est si particulier, sont arrivés à faire pénétrer chez les autres, dans une certaine mesure, leur esprit antitraditionnel et matérialiste ; et, tandis que la première forme d’invasion n’atteignait en somme que les corps, celle-ci empoisonne les intelligences et tue la spiritualité ; l’une a d’ailleurs préparé l’autre et l’a rendue possible, de sorte que ce n’est en définitive que par la force brutale que l’Occident est parvenu à s’imposer partout, et il ne pouvait en être autrement, car c’est en cela que réside l’unique supériorité réelle de sa civilisation, si inférieure à tout autre point de vue. L’envahissement occidental, c’est l’envahissement du matérialisme sous toutes ses formes, et ce ne peut être que cela ; tous les déguisements plus ou moins hypocrites, tous les prétextes « moralistes », toutes les déclamations « humanitaires », toutes les habiletés d’une propagande qui sait à l’occasion se faire insinuante pour mieux atteindre son but de destruction, ne peuvent rien contre cette vérité, qui ne saurait être contestée que par des naïfs ou par ceux qui ont un intérêt quelconque à cette œuvre vraiment « satanique », au sens le plus rigoureux du mot(*).

(*)Satan, en hébreu, c’est l’« adversaire », c’est-à-dire celui qui renverse toutes choses et les prend en quelque sorte à rebours ; c’est l’esprit de négation et de subversion, qui s’identifie à la tendance descendante ou « infériorisante », « infernale » au sens étymologique, celle même que suivent les êtres dans ce processus de matérialisation suivant lequel s’effectue tout le développement de la civilisation moderne. "

René Guénon , The Crisis of the Modern World