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" Un exemple remarquable de la pluralité des sens nous est fourni par l’interprétation des caractères idéographiques qui constituent l’écriture chinoise : toutes les significations dont ces caractères sont susceptibles peuvent se grouper autour de trois principales, qui correspondent aux trois degrés fondamentaux de la connaissance, et dont la première est d’ordre sensible, la seconde d’ordre rationnel, et la troisième d’ordre intellectuel pur ou métaphysique, ainsi, pour nous borner à un cas très simple, un même caractère pourra être employé analogiquement pour désigner à la fois le soleil, la lumière et la vérité, la nature du contexte permettant seule de reconnaître, pour chaque application, quelle est celle de ces acceptions qu’il convient d’adopter, d’où les multiples erreurs des traducteurs occidentaux. "
― René Guénon , Introduction to the Study of the Hindu Doctrines
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" If, as must be done in this instance, the word atom be taken in its true sense of “ indivisible,” a sense which modern physicists no longer give to it, it may be said that an atom, since it cannot have parts, must also be without area ; now the sum of lements devoid of area can never form an area ; if atoms fulfil their own definition, it is then impossible for them to make up bodies. To this well-known and more-over decisive chain of reasoning, another may also be added, employed by Shankaracharya in order to refute atomism 1 : two things can come into contact with one another either by a part of themselves or by the whole ; for atoms, devoid as they are of parts, the first hypothesis is inadmissible ; thus only the second hypothesis remains, which amounts to saying that the aggregation of two atoms can only be realized by their coincidence purely and simply, whence it clearly follows that two atoms when joined occupy no more space than a single atom and so forth indefinitely: so, as before, atoms, whatever their number, will never form a body. Thus atomism represents nothing but sheer impossibility, as we pointed out when explaining the sense in which heterodoxy is to be understood ; [...] "
― René Guénon , Introduction to the Study of the Hindu Doctrines
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" La conséquence immédiate de ceci, c’est que connaître et être ne sont au fond qu’une seule et même chose ; ce sont, si l’on veut, deux aspects inséparables d’une réalité unique, aspects qui ne sauraient même plus être distingués vraiment là où tout est « sans dualité ». Cela suffit à rendre complètement vaines toutes les « théories de la connaissance » à prétentions pseudo-métaphysiques qui tiennent une si grande place dans la philosophie occidentale moderne, et qui tendent même parfois, comme chez Kant par exemple, à absorber tout le reste, ou tout au moins à se le subordonner ; la seule raison d’être de ce genre de théories est dans une attitude commune à presque tous les philosophes modernes, et d’ailleurs issue du dualisme cartésien, attitude qui consiste à opposer artificiellement le connaître à l’être, ce qui est la négation de toute métaphysique vraie. Cette philosophie en arrive ainsi à vouloir substituer la « théorie de la connaissance » à la connaissance elle-même, et c’est là, de sa part, un véritable aveu d’impuissance ; rien n’est plus caractéristique à cet égard que cette déclaration de Kant : « La plus grande et peut-être la seule utilité de toute philosophie de la raison pure est, après tout, exclusivement négative, puisqu’elle est, non un instrument pour étendre la connaissance, mais une discipline pour la limiter »1. De telles paroles ne reviennent-elles pas tout simplement à dire que l’unique prétention des philosophes doit être d’imposer à tous les bornes étroites de leur propre entendement ? C’est là, du reste, l’inévitable résultat de l’esprit de système, qui est, nous le répétons, antimétaphysique au plus haut point. "
― René Guénon , Introduction to the Study of the Hindu Doctrines
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" Le « mythe », comme l’« idole » n’a jamais été qu’un symbole incompris : l’un est dans l’ordre verbal ce que l’autre est dans l’ordre figuratif ; chez les Grecs, la poésie produisit le premier comme l’art produisit la seconde ; mais, chez les peuples à qui, comme les Orientaux, le naturalisme et l’anthropomorphisme sont également étrangers, ni l’un ni l’autre ne pouvaient prendre naissance, et ils ne le purent en effet que dans l’imagination d’Occidentaux qui voulurent se faire les interprètes de ce qu’ils ne comprenaient point. L’interprétation naturaliste renverse proprement les rapports : un phénomène naturel peut, aussi bien que n’importe quoi dans l’ordre sensible, être pris pour symboliser une idée ou un principe, et le symbole n’a de sens et de raison d’être qu’autant qu’il est d’un ordre inférieur à ce qui est symbolisé. De même, c’est sans doute une tendance générale et naturelle à l’homme que d’utiliser la forme humaine dans le symbolisme ; mais cela, qui ne prête pas en soi à plus d’objections que l’emploi d’un schéma géométrique ou de tout autre mode de représentation, ne constitue nullement l’anthropomorphisme, tant que l’homme n’est point dupe de la figuration qu’il a adoptée. En Chine et dans l’Inde, il n’y eut jamais rien d’analogue à ce qui se produisit en Grèce, et les symboles à figure humaine, quoique d’un usage courant, n’y devinrent jamais des « idoles » ; et l’on peut encore noter à ce propos combien le symbolisme s’oppose à la conception occidentale de l’art : rien n’est moins symbolique que l’art grec, et rien ne l’est plus que les arts orientaux ; mais là où l’art n’est en somme qu’un moyen d’expression et comme un véhicule de certaines conceptions intellectuelles, il ne saurait évidemment être regardé comme une fin en soi, ce qui ne peut arriver que chez les peuples à sentimentalité prédominante. C’est à ces mêmes peuples seulement que l’anthropomorphisme est naturel, et il est à remarquer que ce sont ceux chez lesquels, pour la même raison, a pu se constituer le point de vue proprement religieux ; mais, d’ailleurs, la religion s’y est toujours efforcée de réagir contre la tendance anthropomorphique et de la combattre en principe, alors même que sa conception plus ou moins faussée dans l’esprit populaire contribuait parfois au contraire à la développer en fait. Les peuples dits sémitiques, comme les Juifs et les Arabes, sont voisins sous ce rapport des peuples occidentaux : il ne saurait, en effet, y avoir d’autre raison à l’interdiction des symboles à figure humaine, commune au Judaïsme et à l’Islamisme, mais avec cette restriction que, dans ce dernier, elle ne fut jamais appliquée rigoureusement chez les Persans, pour qui l’usage de tels symboles offrait moins de dangers, parce que, plus orientaux que les Arabes, et d’ailleurs d’une tout autre race, ils étaient beaucoup moins portés à l’anthropomorphisme. "
― René Guénon , Introduction to the Study of the Hindu Doctrines
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" Pour quiconque veut examiner les choses avec impartialité, il est manifeste que les Grecs ont bien véritablement, au point de vue intellectuel tout au moins, emprunté presque tout aux Orientaux, ainsi qu’eux-mêmes l’ont avoué assez souvent ; si menteurs qu’ils aient pu être, ils n’ont du moins pas menti sur ce point, et d’ailleurs ils n’y avaient aucun intérêt, tout au contraire. Leur seule originalité, disions-nous précédemment, réside dans la façon dont ils ont exposé les choses, suivant une faculté d’adaptation qu’on ne peut leur contester mais qui se trouve nécessairement limitée à la mesure de leur compréhension ; c’est donc là, en somme, une originalité d’ordre purement dialectique. En effet, les modes de raisonnement, qui dérivent des modes généraux de la pensée et servent à les formuler, sont autres chez les Grecs que chez les Orientaux ; il faut toujours y prendre garde lorsqu’on signale certaines analogies, d’ailleurs réelles, comme celle du syllogisme grec, par exemple, avec ce qu’on a appelé plus ou moins exactement le syllogisme hindou. On ne peut même pas dire que le raisonnement grec se distingue par une rigueur particulière ; il ne semble plus rigoureux que les autres qu’à ceux qui en ont l’habitude exclusive, et cette apparence provient uniquement de ce qu’il se renferme toujours dans un domaine plus restreint, plus limité, et mieux défini par là même. Ce qui est vraiment propre aux Grecs, par contre, mais peu à leur avantage, c’est une certaine subtilité dialectique dont les dialogues de Platon offrent de nombreux exemples, et où se voit le besoin d’examiner indéfiniment une même question sous toutes ses faces, en la prenant par les plus petits côtés, et pour aboutir à une conclusion plus ou moins insignifiante ; il faut croire que les modernes, en Occident, ne sont pas les premiers à être affligés de « myopie intellectuelle ». "
― René Guénon , Introduction to the Study of the Hindu Doctrines
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" Les vérités métaphysiques ne peuvent être conçues que par une faculté qui n’est plus de l’ordre individuel, et que le caractère immédiat de son opération permet d’appeler intuitive, mais, bien entendu, à la condition d’ajouter qu’elle n’a absolument rien de commun avec ce que certains philosophes contemporains appellent intuition, faculté purement sensitive et vitale qui est proprement au-dessous de la raison, et non plus au-dessus d’elle. Il faut donc, pour plus de précision, dire que la faculté dont nous parlons ici est l’intuition intellectuelle, dont la philosophie moderne a nié l’existence parce qu’elle ne la comprenait pas, à moins qu’elle n’ait préféré l’ignorer purement et simplement ; on peut encore la désigner comme l’intellect pur, suivant en cela l’exemple d’Aristote et de ses continuateurs scolastiques, pour qui l’intellect est en effet ce qui possède immédiatement la connaissance des principes. Aristote déclare expressément [Derniers Analytiques, livre II] que « l’intellect est plus vrai que la science », c’est-à-dire en somme que la raison qui construit la science, mais que « rien n’est plus vrai que l’intellect », car il est nécessairement infaillible par là même que son opération est immédiate, et, n’étant point réellement distinct de son objet, il ne fait qu’un avec la vérité même. Tel est le fondement essentiel de la certitude métaphysique ; et l’on voit par là que l’erreur ne peut s’introduire qu’avec l’usage de la raison, c’est-à-dire dans la formulation des vérités conçues par l’intellect, et cela parce que la raison est évidemment faillible par suite de son caractère discursif et médiat. "
― René Guénon , Introduction to the Study of the Hindu Doctrines
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" In short, the "Greek miracle ” as it is, called by its enthusiastic admirers, is reduced to something of comparatively small importance, or at least, whenever it implies a fundamentally new departure, this departure is usually in the nature of a degeneration ; it stands for the individualization of conceptions, the substitution of the rational for the truly intellectual, and of the scientific or philosophical for the metaphysical point of view. It matters little, moreover, whether the Greeks were or were not more successful than others in turning certain forms of knowledge to practical use, or whether they deduced consequences of this particular kind, whereas those who preceded them did not do so ; it might even be said that, in this respect, they assigned a less pure, and disinterested ‘purpose to knowledge, because their turn of mind only allowed' them to remain within the domain of principles with some difficulty and as though by exception. This inclination towards the “ practical ” in the most ordinary sense of the word is one of those factors that were fated to become increasingly marked during the course of Western civilization, until in modern times the tendency became frankly predominant. Only the Middle Ages, being much more given to pure speculation, can be said to have escaped it. "
― René Guénon , Introduction to the Study of the Hindu Doctrines
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" Certains des problèmes que se pose habituellement la pensée philosophique apparaissent même comme dépourvus, non seulement de toute importance, mais de toute signification; il y a là une foule de questions qui ne reposent que sur une équivoque, sur une confusion de points de vue, qui n’existent au fond que parce qu’elles sont mal posées, et qui n’auraient aucunement lieu de se poser vraiment; il suffirait donc, dans bien des cas, d’en mettre l’énoncé au point pour les faire disparaître purement et simplement, si la philosophie n’avait au contraire le plus grand intérêt à les conserver, parce qu’elle vit surtout d’équivoques. "
― René Guénon , Introduction to the Study of the Hindu Doctrines
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" il est bien certain, par exemple, que le Kabyle est beaucoup plus près de l’Européen, par certains côtés, que ne l’est l’Arabe. Il n’en est pas moins vrai que la civilisation de l’Afrique du Nord, en tant qu’elle a une unité, est, non seulement musulmane, mais même arabe dans son essence ; et d’ailleurs ce qu’on peut appeler le groupe arabe est, dans le monde islamique, celui dont l’importance est vraiment primordiale, puisque c’est chez lui que l’Islam a pris naissance, et que c’est sa langue propre qui est la langue traditionnelle de tous les peuples musulmans, quelles que soient leur origine et leur race. "
― René Guénon , Introduction to the Study of the Hindu Doctrines
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" Quand il s’agit de se défendre contre un danger quelconque, on ne perd généralement pas son temps à rechercher des responsabilités ; si donc certaines opinions sont dangereuses intellectuellement, et nous pensons que c’est le cas ici [celles des orientalistes], on devra s’efforcer de les détruire sans se préoccuper de ceux qui les ont émises ou qui les défendent, et dont l’honorabilité n’est nullement en cause. Les considérations de personnes, qui sont bien peu de chose en regard des idées, ne sauraient légitimement empêcher de combattre les théories qui font obstacle à certaines réalisations ; d’ailleurs, comme ces réalisations, sur lesquelles nous reviendrons dans notre conclusion, ne sont point immédiatement possibles, et que tout souci de propagande nous est interdit, le moyen le plus efficace de combattre les théories en question n’est pas de discuter indéfiniment sur le terrain où elles se placent, mais de faire apparaître les raisons de leur fausseté tout en rétablissant la vérité pure et simple, qui seule importe essentiellement à ceux qui peuvent la comprendre. Là est la grande différence, sur laquelle il n’y a pas d’accord possible avec les spécialistes de l’érudition : quand nous parlons de vérité, nous n’entendons pas simplement par là une vérité de fait, qui a sans doute son importance, mais secondaire et contingente ; ce qui nous intéresse dans une doctrine, c’est la vérité, au sens absolu du mot, de ce qui y est exprimé. Au contraire, ceux qui se placent au point de vue de l’érudition ne se préoccupent aucunement de la vérité des idées ; au fond, ils ne savent pas ce que c’est, ni même si cela existe, et ils ne se le demandent point ; la vérité n’est rien pour eux, à part le cas très spécial où il s’agit exclusivement de vérité historique. "
― René Guénon , Introduction to the Study of the Hindu Doctrines
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" To the impartial observer it is plain that the Greeks, from the intellectual point of view at least, really borrowed very largely from the Orientals, as they themselves frequently admitted ; however unveracious they may have been at times, on this point at least they cannot have lied, for they had no possible interest in doing so, indeed quite the contrary. As we said before, their originality principally lay in their manner of expressing things, by means of a faculty for adaptation one cannot deny them, but which was necessarily limited by the extent of their comprehension ; briefly, their originality was of a purely dialectical order. Actually, since Greeks and Orientals differed in their characteristic ways of thinking, there were necessarily corresponding differences in the modes of reasoning which they employed ; this must always be borne in mind when pointing out certain analogies, real though they be, such as for instance the analogy between the Greek syllogism and what has fairly correctly been called the Hindu syllogism. It cannot even be said that Greek reasoning is distinguished by an ^exceptional strictness ; it only appears stricter than other methods of reasoning to people who are themselves in the habit of employing it exclusively, and this illusion is due solely to the fact that it is restricted to a narrower and more limited field and is therefore more easily defined. On the contrary, the faculty most truly characteristic of the Greeks, but which is little to their advantage, is a certain dialectical subtlety, of which the dialogues of Plato provide numerous examples ; there is an apparent desire to examine each question interminably, under all its aspects and in minutest detail, m order to arrive finally at a rather insignificant conclusion; it would appear that in the West the moderns are not the first people to have been afflicted with “ intellectual myopia.”
Perhaps, after all, the Greeks should not be blamed too severely for restricting the field of human thought as they have done ; on the one hand this was an inevitable result of their mental constitution, for which they cannot be held responsible, and on the other hand they did at least in this way bring within reach of a large part of humanity certain kinds of knowledge which were otherwise in danger of remaining completely foreign to it. It is easy to realise the truth of this if one considers what Westerners are capable of to-day, when they happen to come into direct contact with certain Oriental conceptions and set about interpreting them in a manner conforming to their own particular mentality : anything which they cannot connect with the “classical” idiom escapes them completely and whatever can be made to tally with it, by hook or by crook, is so disfigured in the process that it becomes almost unrecognizable. » "
― René Guénon , Introduction to the Study of the Hindu Doctrines