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Les Chants de Maldoror QUOTES

2 " Un jour, avec des yeux vitreux, ma mère me dit: « Lorsque tu seras dans ton lit, que tu entendras les aboiements des chiens dans la campagne, cache-toi dans ta couverture, ne tourne pas en dérision ce qu'ils font: ils ont soif insatiable de l'infini, comme toi, comme moi, comme le reste des humains, à la figure pâle et longue. Même, je te permets de te mettre devant la fenêtre pour contempler ce spectacle, qui est assez sublime » Depuis ce temps, je respecte le voeu de la morte. Moi, comme les chiens, j'éprouve le besoin de l'infini... Je ne puis, je ne puis contenter ce besoin! Je suis fils de l'homme et de la femme, d'après ce qu'on m'a dit. Ça m'étonne... je croyais être davantage! Au reste, que m'importe d'où je viens? Moi, si cela avait pu dépendre de ma volonté, j'aurais voulu être plutôt le fils de la femelle du requin, dont la faim est amie des tempêtes, et du tigre, à la cruauté reconnue: je ne serais pas si méchant. Vous, qui me regardez, éloignez-vous de moi, car mon haleine exhale un souffle empoisonné. Nul n'a encore vu les rides vertes de mon front; ni les os en saillie de ma figure maigre, pareils aux arêtes de quelque grand poisson, ou aux rochers couvrant les rivages de la mer, ou aux abruptes montagnes alpestres, que je parcourus souvent, quand j'avais sur ma tête des cheveux d'une autre couleur. Et, quand je rôde autour des habitations des hommes, pendant les nuits orageuses, les yeux ardents, les cheveux flagellés par le vent des tempêtes, isolé comme une pierre au milieu du chemin, je couvre ma face flétrie, avec un morceau de velours, noir comme la suie qui remplit l'intérieur des cheminées : il ne faut pas que les yeux soient témoins de la laideur que l'Etre suprême, avec un sourire de haine puissante, a mise sur moi. "

Comte de Lautréamont , Les Chants de Maldoror

11 " The perturbations, anxieties, depravations, deaths, exceptions in the physical or moral order, spirit of negation, brutishness, hallucinations fostered by the will, torments, destruction, confusion, tears, insatiabilities, servitudes, delving imaginations, novels, the unexpected, the forbidden, the chemical singularities of the mysterious vulture which lies in wait for the carrion of some dead illusion, precocious & abortive experiences, the darkness of the mailed bug, the terrible monomania of pride, the inoculation of deep stupor, funeral orations, desires, betrayals, tyrannies, impieties, irritations, acrimonies, aggressive insults, madness, temper, reasoned terrors, strange inquietudes which the reader would prefer not to experience , cants, nervous disorders, bleeding ordeals that drive logic at bay, exaggerations, the absence of sincerity, bores, platitudes, the somber, the lugubrious, childbirths worse than murders, passions, romancers at the Courts of Assize, tragedies,-odes, melodramas, extremes forever presented, reason hissed at with impunity, odor of hens steeped in water, nausea, frogs, devilfish, sharks, simoon of the deserts, that which is somnambulistic, squint-eyed, nocturnal, somniferous, noctambulistic, viscous, equivocal, consumptive, spasmodic, aphrodisiac, anemic, one-eyed, hermaphroditic, bastard, albino, pederast, phenomena of the aquarium, & the bearded woman, hours surfeited with gloomy discouragement, fantasies, acrimonies, monsters, demoralizing syllogisms, ordure, that which does not think like a child, desolation, the intellectual manchineel trees, perfumed cankers, stalks of the camellias, the guilt of a writer rolling down the slope of nothingness & scorning himself with joyous cries, that grind one in their imperceptible gearing, the serious spittles on inviolate maxims, vermin & their insinuating titillations, stupid prefaces like those of Cromwell, Mademoiselle de Maupin & Dumas fils, decaying, helplessness, blasphemies, suffocation, stifling, mania,--before these unclean charnel houses, which I blush to name, it is at last time to react against whatever disgusts us & bows us down. "

Comte de Lautréamont , Les Chants de Maldoror

13 " Je cherchais une âme qui et me ressemblât, et je ne pouvais pas la trouver. Je fouillais tous les recoins de la terre; ma persévérance était inutile. Cependant, je ne pouvais pas rester seul. Il fallait quelqu’un qui approuvât mon caractère; il fallait quelqu’un qui eût les mêmes idées que moi. C’était le matin; le soleil se leva à l’horizon, dans toute sa magnificence, et voilà qu’à mes yeux se lève aussi un jeune homme, dont la présence engendrait les fleurs sur son passage. Il s’approcha de moi, et, me tendant la main: "Je suis venu vers toi, toi, qui me cherches. Bénissons ce jour heureux." Mais, moi: "Va-t’en; je ne t’ai pas appelé: je n’ai pas besoin de ton amitié."

C’était le soir; la nuit commençait à étendre la noirceur de son voile sur la nature. Une belle femme, que je ne faisais que distinguer, étendait aussi sur moi son influence enchanteresse, et me regardait avec compassion; cependant, elle n’osait me parler. Je dis: "Approche-toi de moi, afin que je distingue nettement les traits de ton visage; car, la lumière des étoiles n’est pas assez forte, pour les éclairer à cette distance." Alors, avec une démarche modeste, et les yeux baissés, elle foula l’herbe du gazon, en se dirigeant de mon côté. Dès que je la vis: "Je vois que la bonté et la justice ont fait résidence dans ton coeur: nous ne pourrions pas vivre ensemble. Maintenant, tu admires ma beauté, qui a bouleversé plus d’une; mais, tôt ou tard, tu te repentirais de m’avoir consacré ton amour; car, tu ne connais pas mon âme. Non que je te sois jamais infidèle: celle qui se livre à moi avec tant d’abandon et de confiance, avec autant de confiance et d’abandon, je me livre à elle; mais, mets-le dans ta tête, pour ne jamais l’oublier: les loups et les agneaux ne se regardent pas avec des yeux doux."

Que me fallait-il donc, à moi, qui rejetais, avec tant de dégoût, ce qu’il y avait de plus beau dans l’humanité! "

Comte de Lautréamont , Les Chants de Maldoror