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" Préface
J'aime l'idée d'un savoir transmis de maître à élève.
J'aime l'idée qu'en marge des "maîtres institutionnels" que sont parents et enseignants, d'autres maîtres soient là pour défricher les chemins de la vie et aider à y avancer. Un professeur d'aïkido côtoyé sur un tatami, un philosophe rencontré dans un essai ou sur les bancs d'un amphi-théâtre, un menuisier aux mains d'or prêt à offrir son expérience...
J'aime l'idée d'un maître considérant comme une chance et un honneur d'avoir un élève à faire grandir. Une chance et un honneur d'assister aux progrès de cet élève. Une chance et un honneur de participer à son envol en lui offrant des ailes. Des ailes qui porteront l'élève bien plus haut que le maître n'ira jamais.
J'aime cette idée, j'y vois une des clefs d'un équilibre fondé sur la transmission, le respect et l'évolution.
Je l'aime et j'en ai fait un des axes du "Pacte des MarchOmbres".
Jilano, qui a été guidé par Esîl, guide Ellana qui, elle-même, guidera Salim...
Transmission.
Ellana, personnage ô combien essentiel pour moi (et pour beaucoup de mes lecteurs), dans sa complexité, sa richesse, sa volonté, ne serait pas ce qu elle est si son chemin n avait pas croisé celui de Jilano. Jilano qui a su développer les qualités qu'il décelait en elle. Jilano qui l'a poussée, ciselée, enrichie, libérée, sans chercher une seule fois à la modeler, la transformer, la contraindre. Respect. q Jilano, maître marchombre accompli. Maître accompli et marchombre accompli. Il sait ce qu'il doit à Esîl qui l'a formé. Il sait que sans elle, il ne serait jamais devenu l'homme qu'il est. L'homme accompli. Elle l'a poussé, ciselé, enrichi, libéré, sans chercher une seule fois à le modeler, le transformer, le contraindre. Respect.
Évolution.
Esîl, uniquement présente dans les souvenirs de Jilano, ne fait qu'effleurer la trame du Pacte des Marchombres. Nul doute pourtant qu'elle soit parvenue à faire découvrir la voie à Jilano et à lui offrir un élan nécessaire pour qu'il y progresse plus loin qu'elle.
Jilano agit de même avec Ellana. Il sait, dès le départ, qu'elle le distancera et attend ce moment avec joie et sérénité.
Ellana est en train de libérer les ailes de Salim.
Jusqu'où s envolera-t-il grâce à elle ?
J'aime cette idée, dans les romans et dans la vie, d’un maître transmettant son savoir à un élève afin qu a terme il le dépasse. J'aime la générosité qu'elle induit, la confiance qu'elle implique en la capacité des hommes à s'améliorer.
J'aime cette idée, même si croiser un maître est une chance rare et même s'il existe bien d'autres manières de prendre son envol.
Lire.
Écrire.
S'envoler.
Pierre Bottero "
― Pierre Bottero , Ellana, l'Envol (Le Pacte des MarchOmbres, #2)
11
" - Dégage je t'ai dit !
- Je te fais une contre-proposition, lança Ellana que le poing brandi du barbu ne paraissait pas impressionner le moins du monde. Tu quittes l'auberge maintenant, sans bruit, avec la promesse de ne plus jamais y remettre les pieds, et je ne te casse pas en mille morceaux.
Le colosse ouvrit la bouche pour un cri ou peut-être un rire, mais la voix de Jilano le lui vola.
- C'est un marché de dupe ! s'écria-t-il sur un ton plein de verve.
- Et pourquoi donc ? fit mine de se fâcher Ellana.
- Parce que même si tu tapes fort, tu lui casseras au maximum une douzaine d'os. Allez, vingt parce que c'est toi. On est loin des mille morceaux que tu revendiques.
Ellana soupira.
- C'est une expression, il ne faut pas la prendre au pied de la lettre.
- Sans doute, mais ce monsieur pourrait s'estimer grugé.
- Très bien. Voilà ma contre-proposition réactualisée. Tu quittes l'auberge maintenant, sans bruit, avec la promesse de ne plus jamais y remettre les pieds et je ne te casse pas en douze morceaux. Peut-être vingt parce que c'est moi. "
― Pierre Bottero , Ellana, l'Envol (Le Pacte des MarchOmbres, #2)
14
" Un piège.
Dressé non pour Ellana mais pour lui.
Jilano bondit vers la porte.
Verrouillée, elle l'aurait à peine ralenti. Elle s'ouvrit sans difficulté.
Sur un mur de pierre.
Il leva les yeux. La même substance huileuse qui l'avait fait glisser recouvrait tous les murs. La gouttière gisait au sol. Inutile de l'observer pour savoir qu'elle avait été sabotée.
Du joli travail.
Jilano inspira profondément, ralentissant son rythme cardiaque jusqu'à ce que son corps élimine l'injonction de survie induite par le danger.
Ce n'était plus la peine.
Il s'assit en tailleur contre un mur et attendit que la silhouette apparaisse au-dessus de lui.
Elle ne tarda pas.
Un sourire pâle erra sur les lèvres du maître marchombre lorsqu’il reconnut l'assassin. La guilde était donc tombée si bas ?
Il faillit parler, non pas pour tenter de convaincre, encore moins pour supplier, mais pour chercher à comprendre. Il préféra détourner les yeux afin de se concentrer sur l'essentiel.
Alors que l'assassin bandait son arc, les pensées de Jilano s'envolèrent vers Ellana.
Bonheur.
Gratitude.
Amour.
- Garde-toi, murmura-t-il, et que ta route soit belle.
- Madame ! Que vous arrive-t-il ?
Ellana était brusquement devenue livide.
Elle poussa un cri rauque, leva la main à son cœur et, avant qu'Aoro ait pu intervenir, elle s'effondra. "
― Pierre Bottero , Ellana, l'Envol (Le Pacte des MarchOmbres, #2)
16
" Ellana songea que si l'harmonie d'un être résidait dans son équilibre, cet équilibre ne se réduisait pas à des capacités physiques ou mentales. On le retrouvait partout. Dans sa façon de vivre sa relation aux autres, de voyager, de dormir, de manger, ou, pourquoi pas, d'aimer. "
― Pierre Bottero , Ellana, l'Envol (Le Pacte des MarchOmbres, #2)
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" Elle devait partir, suivre son propre chemin. Grandir. Mais auparavant, elle voulait lui parler. Lui dire. Ces phrases qu'elle avait si souvent étouffées :
« Tu m'as sauvée, Jilano Alhuïn. Tu m'as tirée de la nuit, tu m'as offert un toit, une protection, une présence. Tu m'as réconciliée avec la vie, avec les hommes, avec moi-même et, lorsque j'ai été guérie, tu t'es ouvert pour que je puise en toi, pour que je comble mes vides, pour que j'avance. Toujours plus loin. Ce que je sais, ce que je suis, je te le dois. Non, c'est plus que cela. Je te dois tout, Jilano Alhuïn. Tout. »
Il lui barra les lèvres d'un doigt avant qu'elle ait prononcé le moindre mot.
— C'est moi qui te remercie, Ellana. Pour la lumière et le sens dont tu as paré ma vie. Le reste n'a aucune importance. "
― Pierre Bottero , Ellana, l'Envol (Le Pacte des MarchOmbres, #2)