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" I carry my adornments on my soul.
I do not dress up like a popinjay;
But inwardly, I keep my daintiness.
I do not bear with me, by any chance,
An insult not yet washed away- a conscience
Yellow with unpurged bile- an honor frayed
To rags, a set of scruples badly worn.
I go caparisoned in gems unseen,
Trailing white plumes of freedom, garlanded
With my good name- no figure of a man,
But a soul clothed in shining armor, hung
With deeds for decorations, twirling- thus-
A bristling wit, and swinging at my side
Courage, and on the stones of this old town
Making the sharp truth ring, like golden spurs! "
― Edmond Rostand , Cyrano de Bergerac
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" ...But...to sing,
to dream, to smile, to walk, to be alone, be free,
with a voice that stirs and an eye that still can see!
To cock your hat to one side, when you please
at a yes, a no, to fight, or- make poetry!
To work without a thought of fame or fortune,
on that journey, that you dream of, to the moon!
Never to write a line that's not your own... "
― Edmond Rostand , Cyrano de Bergerac
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" I have a different idea of elegance. I don't dress like a fop, it's true, but my moral grooming is impeccable. I never appear in public with a soiled conscience, a tarnished honor, threadbare scruples, or an insult that I haven't washed away. I'm always immaculately clean, adorned with independence and frankness. I may not cut a stylish figure, but I hold my soul erect. I wear my deeds as ribbons, my wit is sharper then the finest mustache, and when I walk among men I make truths ring like spurs. "
― Edmond Rostand , Cyrano de Bergerac
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" Attendez!... Je choisis mes rimes... Là, j'y suis.
(Il fait ce qu'il dit, à mesure.)
Je jette avec grâce mon feutre,
Je fais lentement l'abandon
Du grand manteau qui me calfeutre,
Et je tire mon espadon;
Élégant comme Céladon,
Agile comme Scaramouche,
Je vous préviens, cher Mirmidon,
Qu'à la fin de l'envoi, je touche!
(Premier engagement de fer.)
Vous auriez bien dû rester neutre;
Où vais-je vous larder, dindon ?...
Dans le flanc, sous votre maheutre ?...
Au coeur, sous votre bleu cordon ?...
- Les coquilles tintent, ding-don !
Ma pointe voltige: une mouche !
Décidément... c'est au bedon,
Qu'à la fin de l'envoi, je touche.
Il me manque une rime en eutre...
Vous rompez, plus blanc qu'amidon ?
C'est pour me fournir le mot pleutre !
- Tac! je pare la pointe dont
Vous espériez me faire don: -
J'ouvre la ligne, - je la bouche...
Tiens bien ta broche, Laridon !
A la fin de l'envoi, je touche.
(Il annonce solennellement:)
Envoi
Prince, demande à Dieu pardon !
Je quarte du pied, j'escarmouche,
Je coupe, je feinte...
(Se fendant.) Hé! Là donc!
(Le vicomte chancelle, Cyrano salue.)
A la fin de l'envoi, je touche. "
― Edmond Rostand , Cyrano de Bergerac
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" Cyrano: I can see him there---he grins---
He is looking at my nose---that skeleton
---What's that you say? Hopeless?---Why, very well!---
But a man does not fight merely to win!
No---no---better to know one fights in vain!...
You there---Who are you? A hundred against one---
I know them now, my ancient enemies---
Falsehood!...There! There! Prejudice---Compromise---Cowardice---
What's that? No! Surrender? No!
Never---never!...
Ah, you too, Vanity!
I knew you would overthrow me in the end---
No! I fight on! I fight on! I fight on!
Yes, all my laurels you have riven away
And all my roses; yet in spite of you,
There is one crown I bear away with me,
And to-night, when I enter before God,
My salute shall sweep all the stars away
From the blue threshold! One thing without stain,
Unspotted from the world, in spite of doom
Mine own!---
And that is...
Roxane: ---That is...
Cyrano: My white plume.... "
― Edmond Rostand , Cyrano de Bergerac
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" Et que faudrait-il faire ?
Chercher un protecteur puissant, prendre un patron,
Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc
Et s'en fait un tuteur en lui léchant l'écorce,
Grimper par ruse au lieu de s'élever par force ?
Non, merci ! Dédier, comme tous ils le font,
Des vers aux financiers ? se changer en bouffon
Dans l'espoir vil de voir, aux lèvres d'un ministre,
Naître un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre ?
Non, merci ! Déjeuner, chaque jour, d'un crapaud ?
Avoir un ventre usé par la marche ? une peau
Qui plus vite, à l'endroit des genoux, devient sale ?
Exécuter des tours de souplesse dorsale ?...
Non, merci ! D'une main flatter la chèvre au cou
Cependant que, de l'autre, on arrose le chou,
Et donneur de séné par désir de rhubarbe,
Avoir son encensoir, toujours, dans quelque barbe ?
Non, merci ! Se pousser de giron en giron,
Devenir un petit grand homme dans un rond,
Et naviguer, avec des madrigaux pour rames,
Et dans ses voiles des soupirs de vieilles dames ?
Non, merci ! Chez le bon éditeur de Sercy
Faire éditer ses vers en payant ? Non, merci !
S'aller faire nommer pape par les conciles
Que dans des cabarets tiennent des imbéciles ?
Non, merci ! Travailler à se construire un nom
Sur un sonnet, au lieu d'en faire d'autres ? Non,
Merci ! Ne découvrir du talent qu'aux mazettes ?
Être terrorisé par de vagues gazettes,
Et se dire sans cesse : "Oh ! pourvu que je sois
Dans les petits papiers du Mercure François" ?...
Non, merci ! Calculer, avoir peur, être blême,
Préférer faire une visite qu'un poème,
Rédiger des placets, se faire présenter ?
Non, merci ! non, merci ! non, merci ! Mais... chanter,
Rêver, rire, passer, être seul, être libre,
Avoir l'œil qui regarde bien, la voix qui vibre,
Mettre, quand il vous plaît, son feutre de travers,
Pour un oui, pour un non, se battre, - ou faire un vers !
Travailler sans souci de gloire ou de fortune,
À tel voyage, auquel on pense, dans la lune !
N'écrire jamais rien qui de soi ne sortît,
Et modeste d'ailleurs, se dire : mon petit,
Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,
Si c'est dans ton jardin à toi que tu les cueilles !
Puis, s'il advient d'un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d'en rien rendre à César,
Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d'être le lierre parasite,
Lors même qu'on n'est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul ! "
― Edmond Rostand , Cyrano de Bergerac
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" De guiche.
"Portez-les-lui."
Cyrano, tenté et un peu charmé.
"Vraiment…"
De guiche.
"Il est des plus experts.
Il vous corrigera seulement quelques vers…"
Cyrano, dont le visage s’est immédiatement rembruni.
"Impossible, Monsieur ; mon sang se coagule
En pensant qu’on y peut changer une virgule."
De guiche.
"Mais quand un vers lui plaît, en revanche, mon cher,
Il le paye très cher."
Cyrano.
"Il le paye moins cher
Que moi, lorsque j’ai fait un vers, et que je l’aime,
Je me le paye, en me le chantant à moi-même !"
De guiche.
"Vous êtes fier."
Cyrano.
"Vraiment, vous l’avez remarqué ? "
― Edmond Rostand , Cyrano de Bergerac