1
" On peut s’expliquer facilement par là un fait que nous avons eu fréquemment l’occasion de constater en ce qui concerne les gens dits « cultivés » ; on sait ce qui est entendu communément par ce mot : il ne s’agit même pas là d’une instruction tant soit peu solide, si limitée et si inférieure qu’en soit la portée, mais d’une « teinture » superficielle de toute sorte de choses, d’une éducation surtout « littéraire », en tout cas purement livresque et verbale, permettant de parler avec assurance de tout, y compris ce qu’on ignore le plus complètement, et susceptible de faire illusion à ceux qui, séduits par ces brillantes apparences, ne s’aperçoivent pas qu’elles ne recouvrent que le néant. "
― René Guénon , Perspectives on Initiation
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" bien que les circonstances difficiles ou pénibles soient assurément, comme nous le disions tout à l’heure, communes à la vie de tous les hommes, il arrive assez fréquemment que ceux qui suivent une voie initiatique les voient se multiplier d’une façon inaccoutumée. Ce fait est dû tout simplement à une sorte d’hostilité inconsciente du milieu, à laquelle nous avons déjà eu l’occasion de faire allusion précédemment : il semble que ce monde, nous voulons dire l’ensemble des êtres et des choses mêmes qui constituent le domaine de l’existence individuelle, s’efforce par tous les moyens de retenir celui qui est près de lui échapper ; de telles réactions n’ont en somme rien que de parfaitement normal et compréhensible, et, si déplaisantes qu’elles puissent être, il n’y a certainement pas lieu de s’en étonner. Il s’agit donc là proprement d’obstacles suscités par des forces adverses, et non point, comme on semble parfois se l’imaginer à tort, d’« épreuves » voulues et imposées par les puissances qui président à l’initiation ; il est nécessaire d’en finir une fois pour toutes avec ces fables, assurément beaucoup plus proches des rêveries occultistes que des réalités initiatiques. "
― René Guénon , Perspectives on Initiation
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" Des erreurs plus subtiles, et par suite plus redoutables, se produisent parfois lorsqu’on parle, à propos de l’initiation, d’une « communication » avec des états supérieurs ou des « mondes spirituels » ; et, avant tout, il y a là trop souvent l’illusion qui consiste à prendre pour « supérieur » ce qui ne l’est pas véritablement, simplement parce qu’il apparaît comme plus ou moins extraordinaire ou « anormal ». Il nous faudrait en somme répéter ici tout ce que nous avons déjà dit ailleurs de la confusion du psychique et du spirituel (1), car c’est celle-là qui est le plus fréquemment commise à cet égard ; les états psychiques n’ont, en fait, rien de « supérieur » ni de « transcendant », puisqu’ils font uniquement partie de l’état individuel humain (2) ; et, quand nous parlons d’états supérieurs de l’être, sans aucun abus de langage, nous entendons par là exclusivement les états supra-individuels. Certains vont même encore plus loin dans la confusion et font « spirituel » à peu près synonyme d’« invisible », c’est-à-dire qu’ils prennent pour tel, indistinctement, tout ce qui ne tombe pas sous les sens ordinaires et « normaux » ; nous avons vu qualifier ainsi jusqu’au monde « éthérique », c’est-à-dire, tout simplement, la partie la moins grossière du monde corporel ! Dans ces conditions, il est fort à craindre que la « communication » dont il s’agit ne se réduise en définitive à la « clairvoyance », à la « clairaudience », ou à l’exercice de quelque autre faculté psychique du même genre et non moins insignifiante, même quand elle est réelle. "
― René Guénon , Perspectives on Initiation
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" La forme du langage est, par définition même, « discursive » comme la raison humaine dont il est l’instrument propre et dont il suit ou reproduit la marche aussi exactement que possible ; au contraire, le symbolisme proprement dit est véritablement « intuitif », ce qui, tout naturellement, le rend incomparablement plus apte que le langage à servir de point d’appui à l’intuition intellectuelle et supra-rationnelle, et c’est précisément pourquoi il constitue le mode d’expression par excellence de tout enseignement initiatique. Quant à la philosophie, elle représente en quelque sorte le type de la pensée discursive (ce qui, bien entendu, ne veut pas dire que toute pensée discursive ait un caractère spécifiquement philosophique), et c’est ce qui lui impose des limitations dont elle ne saurait s’affranchir ; par contre, le symbolisme, en tant que support de l’intuition transcendante, ouvre des possibilités véritablement illimitées. "
― René Guénon , Perspectives on Initiation
7
" Furthermore, this submission is no more than a simple 'pedagogic’ method, one could say, of entirely transitory necessity; not only would a true spiritual teacher never abuse it, but he would use it only to enable his disciple to free himself from it as soon as possible, [...] Initiation ought precisely to lead to the fully realized and effective consciousness of the ‘Self, which can obviously be the case neither with children in the nursery nor with psychic automata. The initiatic ‘chain’ is not meant to bind the being, but on the contrary to furnish a support that allows it to raise itself indefinitely and to go beyond its limits as an individual and conditioned being. Even when there are contingent applications that can coexist secondarily with its essential goal, an initiatic organization has no use for blind and passive instruments, whose normal place could in any case only be in the profane world, since they lack all qualification. What must exist among all its members at all levels and in all functions is a conscious and voluntary collaboration that implies all the effective understanding of which each is capable; and no true hierarchy can be realized or maintained on any other basis than this. "
― René Guénon , Perspectives on Initiation
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" Il est d’ailleurs bien clair que l’ambiance moderne, par sa nature même, est et sera toujours un des principaux obstacles que devra inévitablement rencontrer toute tentative de restauration traditionnelle en Occident, dans le domaine initiatique aussi bien que dans tout autre domaine ; il est vrai que, en principe, ce domaine initiatique devrait, en raison de son caractère « fermé », être plus à l’abri de ces influences hostiles du monde extérieur, mais, en fait, il y a déjà trop longtemps que les organisations existantes se sont laissé entamer par elles, et certaines. « brèches » sont maintenant trop largement ouvertes pour être facilement réparées. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple typique, en adoptant des formes administratives imitées de celles des gouvernements profanes, ces organisations ont donné prise à des actions antagonistes qui autrement n’auraient trouvé aucun moyen de s’exercer contre elles et seraient tombées dans le vide ; cette imitation du monde profane constituait d’ailleurs, en elle-même, un de ces renversements des rapports normaux qui, dans tous les domaines, sont si caractéristiques du désordre moderne. Les conséquences de cette « contamination » sont aujourd’hui si manifestes qu’il faut être aveugle pour ne pas les voir, et pourtant nous doutons fort que beaucoup sachent les rapporter à leur véritable cause ; la manie des « sociétés » est trop invétérée chez la plupart de nos contemporains pour qu’ils conçoivent même la simple possibilité de se passer de certaines formes purement extérieures ; mais, pour cette raison même, c’est peut-être là ce contre quoi devrait tout d’abord réagir quiconque voudrait entreprendre une restauration initiatique sur des bases vraiment sérieuses. "
― René Guénon , Perspectives on Initiation
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" Parfois, la force dont nous venons de parler, ou plus exactement la synthèse de l’influence spirituelle avec cette force collective à laquelle elle s’« incorpore » pour ainsi dire, peut se concentrer sur un « support » d’ordre corporel, tel qu’un lieu ou un objet déterminé, qui joue le rôle d’un véritable « condensateur »2, et y produire des manifestations sensibles, comme celles que rapporte la Bible hébraïque au sujet de l’Arche d’Alliance et du Temple de Salomon ; on pourrait aussi citer ici comme exemples, à un degré ou à un autre, les lieux de pèlerinage, les tombeaux et les reliques des saints ou d’autres personnages vénérés par les adhérents de telle ou telle forme traditionnelle. "
― René Guénon , Perspectives on Initiation