5
" Je sais aussi qu’il y a, dans cette manière que vous avez de monopoliser la parole, la manifestation de votre timidité, de votre crainte à engager avec moi une conversation. D’une certaine façon, vous prolongez, par d’autres moyens, ce moment où nous ne nous parlons pas, où nous n’échangeons pas de propos, où nous ne sommes pas confrontés l’un à l’autre. Vous avez peur de notre intimité. Vous préférez occuper tout l’espace. (…) J’ai peur, lorsque je vous entends reprendre, ainsi, un discours qui s’est suffi à lui-même, qui est assez, que vous ne prononciez des mots moins importants, que la force de vos propos précédents ne se dilue, ne se perde dans la volonté prétentieuse de pousser votre avantage "
― Philippe Besson , In the Absence of Men
8
" Elle dit: je ne regrette rien. Bien sûr, il n’y aurait pas eu les années d’opprobre, il n’y aurait pas aujourd’hui cette souffrance, mais il n’u aurait pas eu non plus le bonheur, le temps inégalable du bonheur.
Cette phrase-là agit sur moi comme un révélation. D’évidence, c’est seulement en souvenir du bonheur qu’on peut finir par accepter son malheur présent, vivre avec lui plutôt que mourir. Et alors, dans le silence, reviennent les rires sonores, les corps qui se jettent sur les lits, les regards complices, les baisers lents, les fatigues apaisées, les promesses non dites mais entendues, les lumières violentes d’un été triomphant. Oui: le bonheur.
Nous n’avons pas eu le temps d’être malheureux ensemble. "
― Philippe Besson , In the Absence of Men