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Studies in Hinduism QUOTES

3 " … Le Bouddha ne fut tout d’abord figuré que par des empreintes de pieds, ou par des symboles tels que l’arbre ou la roue (et il est remarquable que, de la même façon, le Christ aussi ne fut représenté pendant plusieurs siècles que par des figurations purement symboliques) ; comment et pourquoi en vint-on à admettre par la suite une image anthropomorphique ? Il faut voir là comme une concession aux besoins d’une époque moins intellectuelle, où la compréhension doctrinale était déjà affaiblie ; les « supports de contemplation », pour être aussi efficaces que possible, doivent en effet être adaptés aux conditions de chaque époque ; mais encore convient-il de remarquer que l’image humaine elle-même, ici comme dans le cas des « déités » hindoues, n’est réellement « anthropomorphique » que dans une certaine mesure, en ce sens qu’elle n’est jamais « naturaliste » et qu’elle garde toujours, avant tout et dans tous ses détails, un caractère essentiellement symbolique. Cela ne veut d’ailleurs point dire qu’il s’agisse d’une représentation « conventionnelle » comme l’imaginent les modernes, car un symbole n’est nullement le produit d’une invention humaine ; « le symbolisme est un langage hiératique et métaphysique, non un langage déterminé par des catégories organiques ou psychologiques ; son fondement est dans la correspondance analogique de tous les ordres de réalité, états d’être ou niveaux de référence ». La forme symbolique « est révélée » et « vue » dans le même sens que les incantations vêdiques ont été révélées et « entendues », et il ne peut y avoir aucune distinction de principe entre vision et audition, car ce qui importe n’est pas le genre de support sensible qui est employé, mais la signification qui y est en quelque sorte « incorporée ». L’élément proprement « surnaturel » est partie intégrante de l’image, comme il l’est des récits ayant une valeur « mythique », au sens originel de ce mot ; dans les deux cas, il s’agit avant tout de moyens destinés, non à communiquer, ce qui est impossible, mais à permettre de réaliser le « mystère », ce que ne saurait évidemment faire ni un simple portrait ni un fait historique comme tel. C’est donc la nature même de l’art symbolique en général qui échappe inévitablement au point de vue « rationaliste » des modernes, comme lui échappe, pour les mêmes raisons, le sens transcendant des « miracles » et le caractère « théophanique » du monde manifesté lui-même ; l’homme ne peut comprendre ces choses que s’il est à la fois sensitif et spirituel, et s’il se rend compte que « l’accès à la réalité ne s’obtient pas en faisant un choix entre la matière et l’esprit supposés sans rapports entre eux, mais plutôt en voyant dans les choses matérielles et sensibles une similitude formelle des prototypes spirituels que les sens ne peuvent atteindre directement » ; il s’agit là « d’une réalité envisagée à différents niveaux de référence, ou, si l’on préfère, de différents ordres de réalité, mais qui ne s’excluent pas mutuellement. "

René Guénon , Studies in Hinduism