1
" GRAND AGE ET BAS AGE MÊLÉS I Mon âme est faite ainsi que jamais ni l'idée, Ni l'homme, quels qu'ils soient, ne l'ont intimidée; Toujours mon coeur, qui n'a ni bible ni koran, Dédaigna le sophiste et brava le tyran; Je suis sans épouvante étant sans convoitise; La peur ne m'éteint pas et l'honneur seul m'attise; J'ai l'ankylose altière et lourde du rocher; Il est fort malaisé de me faire marcher Par désir en avant ou par crainte en arrière; Je résiste à la force et cède à la prière, Mais les biens d'ici-bas font sur moi peu d'effet; Et je déclare, amis, que je suis satisfait, Que mon ambition suprême est assouvie, Que je me reconnais payé dans cette vie, Et que les dieux cléments ont comblé tous mes veux. Tant que sur cette terre, où vraiment je ne veux Ni socle olympien, ni colonne trajane, On ne m'ôtera pas le sourire de Jeanne. "
― Victor Hugo , L'Art d'être grand-père
2
" LA CICATRICE Une croûte assez laide est sur la cicatrice. Jeanne l'arrache, et saigne, et c'est là son caprice; Elle arrive, montrant son doigt presque en lambeau. -J'ai, me dit-elle, ôté la peau de mon bobo.- Je la gronde, elle pleure, et, la voyant en larmes, Je deviens plat.-Faisons la paix, je rends les armes, Jeanne, à condition que tu me souriras.- Alors la douce enfant s'est jetée en mes bras, Et m'a dit, de son air indulgent et suprême: -Je ne me ferai plus de mal, puisque je t'aime.- Et nous voilà contents, en ce tendre abandon, Elle de ma clémence et moi de son pardon. "
― Victor Hugo , L'Art d'être grand-père
3
" Ma Jeanne, dont je suis doucement insensé, Étant femme, se sent reine; tout l'A B C Des femmes, c'est d'avoir des bras blancs, d'être belles, De courber d'un regard les fronts les plus rebelles, De savoir avec rien, des bouquets, des chiffons, Un sourire, éblouir les coeurs les plus profonds, D'être, à côté de l'homme ingrat, triste et morose, Douces plus que l'azur, roses plus que la rose; Jeanne le sait; elle a trois ans, c'est l'âge mûr; Rien ne lui manque; elle est la fleur de mon vieux mur, Ma contemplation, mon parfum, mon ivresse; Ma strophe, qui près d'elle a l'air d'une pauvresse, L'implore, et reçoit d'elle un rayon; et l'enfant Sait déjà se parer d'un chapeau triomphant, De beaux souliers vermeils, d'une robe étonnante; Elle a des mouvements de mouche frissonnante; Elle est femme, montrant ses rubans bleus ou verts, Et sa fraîche toilette, et son âme au travers; Elle est de droit céleste et par devoir jolie; Et son commencement de règne est ma folie. "
― Victor Hugo , L'Art d'être grand-père
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" Jeanne était au pain sec dans le cabinet noir, Pour un crime quelconque, et, manquant au devoir, J'allai voir la proscrite en pleine forfaiture, Et lui glissai dans l'ombre un pot de confiture Contraire aux lois. Tous ceux sur qui, dans ma cité, Repose le salut de la société S'indignèrent, et Jeanne a dit d'une voix douce: -Je ne toucherai plus mon nez avec mon pouce; Je ne me ferai plus griffer par le minet. Mais on s'est recrié:-Cette enfant vous connaît; Elle sait à quel point vous êtes faible et lâche. Elle vous voit toujours rire quand on se fâche. Pas de gouvernement possible. A chaque instant L'ordre est troublé par vous; le pouvoir se détend; Plus de règle. L'enfant n'a plus rien qui l'arrête. Vous démolissez tout.-Et j'ai baissé la tête, Et j'ai dit:-Je n'ai rien à répondre à cela, J'ai tort. Oui, c'est avec ces indulgences-là Qu'on a toujours conduit les peuples à leur perte. Qu'on me mette au pain sec.-Vous le méritez, certe, On vous y mettra.-Jeanne alors, dans son coin noir, M'a dit tout bas, levant ses yeux si beaux à voir, Pleins de l'autorité des douces créatures: -Eh bien' moi, je t'irai porter des confitures. "
― Victor Hugo , L'Art d'être grand-père
5
" III
Ah ! vous voulez la lune ? Où ? dans le fond du puits ? Non; dans le ciel. Eh bien, essayons. Je ne puis. Et c'est ainsi toujours. Chers petits, il vous passe Par l'esprit de vouloir la lune, et dans l'espace J'étends mes mains, tâchant de prendre au vol Phoebé. L'adorable hasard d'être aïeul est tombé Sur ma tête, et m'a fait une douce fêlure. Je sens en vous voyant que le sort put m'exclure Du bonheur, sans m'avoir tout à fait abattu. Mais causons. Voyez-vous, vois-tu, Georges, vois-tu, Jeanne ? Dieu nous connaît, et sait ce qu'ose faire Un aïeul, car il est lui-même un peu grand-père; Le bon Dieu, qui toujours contre nous se défend, Craint ceci: le vieillard qui veut plaire à l'enfant; Il sait que c'est ma loi qui sort de votre bouche, Et que j'obéirais; il ne veut pas qu'on touche Aux étoiles, et c'est pour en être bien sûr Qu'il les accroche aux clous les plus hauts de l'azur. "
― Victor Hugo , L'Art d'être grand-père
6
" IV
-Oh ! comme ils sont goulus ! dit la mère parfois. Il faut leur donner tout, les cerises des bois, Les pommes du verger, les gâteaux de la table; S'ils entendent la voix des vaches dans l'étable Du lait ! vite ! et leurs cris sont comme une forêt De Bondy quand un sac de bonbons apparaît. Les voilà maintenant qui réclament la lune ! Pourquoi pas ? Le néant des géants m'importune; Moi j'admire, ébloui, la grandeur des petits. Ah ! l'âme des enfants a de forts appétits, Certes, et je suis pensif devant cette gourmande Qui voit un univers dans l'ombre, et le demande. La lune ! Pourquoi pas ? vous dis-je. Eh bien, après ? Pardieu ! si je l'avais, je la leur donnerais. C'est vrai, sans trop savoir ce qu'ils en pourraient faire, Oui, je leur donnerais, lune, ta sombre sphère, Ton ciel, d'où Swedenborg n'est jamais revenu, Ton énigme, ton puits sans fond, ton inconnu ! Oui, je leur donnerais, en disant: Soyez sages ! Ton masque obscur qui fait le guet dans les nuages, Tes cratères tordus par de noirs aquilons, Tes solitudes d'ombre et d'oubli, tes vallons, Peut-être heureux, peut-être affreux, édens ou bagnes, Lune, et la vision de tes pâles montagnes. Oui, je crois qu'après tout, des enfants à genoux Sauraient mieux se servir de la lune que nous; Ils y mettraient leurs voeux, leur espoir, leur prière; Ils laisseraient mener par cette aventurière Leurs petits coeurs pensifs vers le grand Dieu profond. La nuit, quand l'enfant dort, quand ses rêves s'en vont, Certes, ils vont plus loin et plus haut que les nôtres. Je crois aux enfants comme on croyait aux apôtres; Et quand je vois ces chers petits êtres sans fiel Et sans peur, désirer quelque chose du ciel, Je le leur donnerais, si je l'avais. La sphère Que l'enfant veut, doit être à lui, s'il la préfère. D'ailleurs, n'avez-vous rien au delà de vos droits ? Oh ! je voudrais bien voir, par exemple, les rois S'étonner que des nains puissent avoir un monde ! Oui, je vous donnerais, anges à tête blonde, Si je pouvais, à vous qui régnez par l'amour, Ces univers baignés d'un mystérieux jour, Conduits par des esprits que l'ombre a pour ministres, Et l'énorme rondeur des planètes sinistres. Pourquoi pas ? Je me fie à vous, car je vous vois, Et jamais vous n'avez fait de mal. Oui, parfois, En songeant à quel point c'est grand, l'âme innocente, Quand ma pensée au fond de l'infini s'absente, Je me dis, dans l'extase et dans l'effroi sacré, Que peut-être, là-haut, il est, dans l'Ignoré, Un dieu supérieur aux dieux que nous rêvâmes, Capable de donner des astres à des âmes. "
― Victor Hugo , L'Art d'être grand-père
7
" Les bêtes, cela parle; et Dupont de Nemours Les comprend, chants et cris, gaîté, colère, amours. C'est dans Perrault un fait, dans Homère un prodige; Phèdre prend leur parole au vol et la rédige; La Fontaine, dans l'herbe épaisse et le genêt Rôdait, guettant, rêvant, et les espionnait; Ésope, ce songeur bossu comme le Pinde, Les entendait en Grèce, et Pilpaï dans l'Inde; Les clairs étangs le soir offraient leurs noirs jargons A monsieur Florian, officier de dragons; Et l'âpre Ézéchiel, l'affreux prophète chauve, Homme fauve, écoutait parler la bête fauve. Les animaux naïfs dialoguent entr'eux. Et toujours, que ce soit le hibou ténébreux, L'ours qu'on entend gronder, l'âne qu'on entend braire, Ou l'oie apostrophant le dindon, son grand frère, Ou la guêpe insultant l'abeille sur l'Hybla, Leur bêtise à l'esprit de l'homme ressembla. "
― Victor Hugo , L'Art d'être grand-père
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" JEANNE ENDORMIE. - III Jeanne dort; elle laisse, ô pauvre ange banni, Sa douce petite âme aller dans l'infini; Ainsi le passereau fuit dans la cerisaie; Elle regarde ailleurs que sur terre, elle essaie, Hélas, avant de boire à nos coupes de fiel, De renouer un peu dans l'ombre avec le ciel. Apaisement sacré ! ses cheveux, son haleine, Son teint, plus transparent qu'une aile de phalène, Ses gestes indistincts, son calme, c'est exquis. Le vieux grand-père, esclave heureux, pays conquis, La contemple. Cet être est ici-bas le moindre Et le plus grand; on voit sur cette bouche poindre Un rire vague et pur qui vient on ne sait d'où; Comme elle est belle ! Elle a des plis de graisse au cou; On la respire ainsi qu'un parfum d'asphodèle; Une poupée aux yeux étonnés est près d'elle, Et l'enfant par moments la presse sur son coeur. Figurez-vous cet ange obscur, tremblant, vainqueur, L'espérance étoilée autour de ce visage, Ce pied nu, ce sommeil d'une grâce en bas âge. Oh ! quel profond sourire, et compris de lui seul, Elle rapportera de l'ombre à son aïeul ! Car l'âme de l'enfant, pas encor dédorée, Semble être une lueur du lointain empyrée, Et l'attendrissement des vieillards, c'est de voir Que le matin veut bien se mêler à leur soir. Ne la réveillez pas. Cela dort, une rose. Jeanne au fond du sommeil médite et se compose Je ne sais quoi de plus céleste que le ciel. De lys en lys, de rêve en rêve, on fait son miel, Et l'âme de l'enfant travaille, humble et vermeille, Dans les songes ainsi que dans les fleurs l'abeille. "
― Victor Hugo , L'Art d'être grand-père
9
" LE SYLLABUS Tout en mangeant d'un air effaré vos oranges, Vous semblez aujourd'hui, mes tremblants petits anges, Me redouter un peu; Pourquoi ? c'est ma bonté qu'il faut toujours attendre, Jeanne, et c'est le devoir de l'aïeul d'être tendre Et du ciel d'être bleu. N'ayez pas peur. C'est vrai, j'ai l'air fâché, je gronde, Non contre vous. Hélas, enfants, dans ce vil monde, Le prêtre hait et ment; Et, voyez-vous, j'entends jusqu'en nos verts asiles Un sombre brouhaha de choses imbéciles Qui passe en ce moment. Les prêtres font de l'ombre. Ah ! je veux m'y soustraire. La plaine resplendit; viens, Jeanne, avec ton frère, Viens, George, avec ta soeur; Un rayon sort du lac, l'aube est dans la chaumière; Ce qui monte de tout vers Dieu, c'est la lumière; Et d'eux, c'est la noirceur. J'aime une petitesse et je déteste l'autre; Je hais leur bégaiement et j'adore le vôtre; Enfants, quand vous parlez, Je me penche, écoutant ce que dit l'âme pure, Et je crois entrevoir une vague ouverture Des grands cieux étoilés. Car vous étiez hier, ô doux parleurs étranges, Les interlocuteurs des astres et des anges; En vous rien n'est mauvais; Vous m'apportez, à moi sur qui gronde la nue, On ne sait quel rayon de l'aurore inconnue; Vous en venez, j'y vais. Ce que vous dites sort du firmament austère; Quelque chose de plus que l'homme et que la terre Est dans vos jeunes yeux; Et votre voix où rien n'insulte, où rien ne blâme, Où rien ne mord, s'ajoute au vaste épithalame Des bois mystérieux. Ce doux balbutiement me plaît, je le préfère; Car j'y sens l'idéal; j'ai l'air de ne rien faire Dans les fauves forêts. Et pourtant Dieu sait bien que tout le jour j'écoute L'eau tomber d'un plafond de rochers goutte à goutte Au fond des antres frais. Ce qu'on appelle mort et ce qu'on nomme vie Parle la même langue à l'âme inassouvie; En bas nous étouffons; Mais rêver, c'est planer dans les apothéoses, C'est comprendre; et les nids disent les mêmes choses Que les tombeaux profonds. Les prêtres vont criant: Anathème ! anathème ! Mais la nature dit de toutes parts: Je t'aime ! Venez, enfants; le jour Est partout, et partout on voit la joie éclore; Et l'infini n'a pas plus d'azur et d'aurore Que l'âme n'a d'amour. J'ai fait la grosse voix contre ces noirs pygmées; Mais ne me craignez pas; les fleurs sont embaumées, Les bois sont triomphants; Le printemps est la fête immense, et nous en sommes; Venez, j'ai quelquefois fait peur aux petits hommes, Non aux petits enfants. "
― Victor Hugo , L'Art d'être grand-père
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" L'AUTRE Viens, mon George. Ah ! les fils de nos fils nous enchantent, Ce sont de jeunes voix matinales qui chantent. Ils sont dans nos logis lugubres le retour Des roses, du printemps, de la vie et du jour ! Leur rire nous attire une larme aux paupières Et de notre vieux seuil fait tressaillir les pierres; De la tombe entr'ouverte et des ans lourds et froids Leur regard radieux dissipe les effrois; Ils ramènent notre âme aux premières années; Ils font rouvrir en nous toutes nos fleurs fanées; Nous nous retrouvons doux, naïfs, heureux de rien; Le coeur serein s'emplit d'un vague aérien; En les voyant on croit se voir soi-même éclore; Oui, devenir aïeul, c'est rentrer dans l'aurore. Le vieillard gai se mêle aux marmots triomphants. Nous nous rapetissons dans les petits enfants. Et, calmés, nous voyons s'envoler dans les branches Notre âme sombre avec toutes ces âmes blanches. "
― Victor Hugo , L'Art d'être grand-père
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" Je prendrai par la main les deux petits enfants; J'aime les bois où sont les chevreuils et les faons, Où les cerfs tachetés suivent les biches blanches Et se dressent dans l'ombre effrayés par les branches; Car les fauves sont pleins d'une telle vapeur Que le frais tremblement des feuilles leur fait peur. Les arbres ont cela de profond qu'ils vous montrent Que l'éden seul est vrai, que les coeurs s'y rencontrent, Et que, hors les amours et les nids, tout est vain; Théocrite souvent dans le hallier divin Crut entendre marcher doucement la ménade. C'est là que je ferai ma lente promenade Avec les deux marmots. J'entendrai tour à tour Ce que Georges conseille à Jeanne, doux amour, Et ce que Jeanne enseigne à George. En patriarche Que mènent les enfants, je réglerai ma marche Sur le temps que prendront leurs jeux et leurs repas, Et sur la petitesse aimable de leurs pas. Ils cueilleront des fleurs, ils mangeront des mûres. Ô vaste apaisement des forêts ! ô murmures ! Avril vient calmer tout, venant tout embaumer. Je n'ai point d'autre affaire ici-bas que d'aimer. "
― Victor Hugo , L'Art d'être grand-père
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" JEANNE ENDORMIE. -- I LA SIESTE Elle fait au milieu du jour son petit somme; Car l'enfant a besoin du rêve plus que l'homme, Cette terre est si laide alors qu'on vient du ciel ! L'enfant cherche à revoir Chérubin, Ariel, Ses camarades, Puck, Titania, les fées, Et ses mains quand il dort sont par Dieu réchauffées. Oh ! comme nous serions surpris si nous voyions, Au fond de ce sommeil sacré, plein de rayons, Ces paradis ouverts dans l'ombre, et ces passages D'étoiles qui font signe aux enfants d'être sages, Ces apparitions, ces éblouissements ! Donc, à l'heure où les feux du soleil sont calmants, Quand toute la nature écoute et se recueille, Vers midi, quand les nids se taisent, quand la feuille La plus tremblante oublie un instant de frémir, Jeanne a cette habitude aimable de dormir; Et la mère un moment respire et se repose, Car on se lasse, même à servir une rose. Ses beaux petits pieds nus dont le pas est peu sûr Dorment; et son berceau, qu'entoure un vague azur Ainsi qu'une auréole entoure une immortelle, Semble un nuage fait avec de la dentelle; On croit, en la voyant dans ce frais berceau-là, Voir une lueur rose au fond d'un falbala; On la contemple, on rit, on sent fuir la tristesse, Et c'est un astre, ayant de plus la petitesse; L'ombre, amoureuse d'elle, a l'air de l'adorer; Le vent retient son souffle et n'ose respirer. Soudain, dans l'humble et chaste alcôve maternelle, Versant tout le matin qu'elle a dans sa prunelle, Elle ouvre la paupière, étend un bras charmant, Agite un pied, puis l'autre, et, si divinement Que des fronts dans l'azur se penchent pour l'entendre, Elle gazouille...-Alors, de sa voix la plus tendre, Couvrant des yeux l'enfant que Dieu fait rayonner, Cherchant le plus doux nom qu'elle puisse donner À sa joie, à son ange en fleur, à sa chimère: -Te voilà réveillée, horreur ! lui dit sa mère. "
― Victor Hugo , L'Art d'être grand-père
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" LA LUNE I Jeanne songeait, sur l'herbe assise, grave et rose; Je m'approchai:-Dis-moi si tu veux quelque chose, Jeanne ?-car j'obéis à ces charmants amours, Je les guette, et je cherche à comprendre toujours Tout ce qui peut passer par ces divines têtes. Jeanne m'a répondu:-Je voudrais voir des bêtes. Alors je lui montrai dans l'herbe une fourmi. -Vois ! Mais Jeanne ne fut contente qu'à demi. -Non, les bêtes, c'est gros, me dit-elle. Leur rêve, C'est le grand. L'Océan les attire à sa grève, Les berçant de son chant rauque, et les captivant Par l'ombre, et par la fuite effrayante du vent; Ils aiment l'épouvante, il leur faut le prodige. -Je n'ai pas d'éléphant sous la main, répondis-je. Veux-tu quelque autre chose ? ô Jeanne, on te le doit ! Parle.-Alors Jeanne au ciel leva son petit doigt. -Ça, dit-elle.-C'était l'heure où le soir commence. Je vis à l'horizon surgir la lune immense. "
― Victor Hugo , L'Art d'être grand-père