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La Part de l'autre QUOTES

3 " Mes amis, j'écris ce petit mot pour vous dire que je vous aime, que je pars avec la fierté de vous avoir connus, l'orgueil d'avoir été choisi et apprécié par vous, et que notre amitié fut sans doute la plus belle œuvre de ma vie. C'est étrange, l'amitié. Alors qu'en amour, on parle d'amour, entre vrais amis on ne parle pas d'amitié. L'amitié, on la fait sans la nommer ni la commenter. C'est fort et silencieux. C'est pudique. C'est viril. C'est le romantisme des hommes. Elle doit être beaucoup plus profonde et solide que l'amour pour qu'on ne la disperse pas sottement en mots, en déclarations, en poèmes, en lettres. Elle doit être beaucoup plus satisfaisante que le sexe puisqu'elle ne se confond pas avec le plaisir et les démangeaisons de peau. En mourant, c'est à ce grand mystère silencieux que je songe et je lui rends hommage.
Mes amis, je vous ai vus mal rasés, crottés, de mauvaise humeur, en train de vous gratter, de péter, de roter, et pourtant je n'ai jamais cessé de vous aimer. J'en aurais sans doute voulu à une femme de m'imposer toutes ses misères, je l'aurais quittée, insultée, répudiée. Vous pas. Au contraire. Chaque fois que je vous voyais plus vulnérables, je vous aimais davantage. C'est injuste n'est-ce pas? L'homme et la femme ne s'aimeront jamais aussi authentiquement que deux amis parce que leur relation est pourrie par la séduction. Ils jouent un rôle. Pire, ils cherchent chacun le beau rôle. Théâtre. Comédie. Mensonge. Il n'y a pas de sécurité en l'amour car chacun pense qu'il doit dissimuler, qu'il ne peut être aimé tel qu'il est. Apparence. Fausse façade. Un grand amour, c'est un mensonge réussi et constamment renouvelé. Une amitié, c'est une vérité qui s'impose. L'amitié est nue, l'amour fardé.
Mes amis, je vous aime donc tels que vous êtes. "

Éric-Emmanuel Schmitt , La Part de l'autre

11 " L'indomani sarebbero stati chiamati alle armi. E due giorni dopo sarebbero andati in battaglia. Che vivessero o morissero, l'importante non era questo, quanto il fatto che non avrebbero più potuto disporre di loro stessi. Gli sforzi degli anni precedenti, il tentativo laborioso e onesto di imparare la loro arte, la lotta costante per superare i propri limiti - limiti della mano, dell'occhio, dell'immaginazione -, l'impegno delle loro volontà, le loro discussioni, tutto ciò sarebbe stato azzerato. Reso inutile.
Superfluo. La guerra avrebbe livellato tutto verso il basso. Erano solo carne ormai. Due piedi e due mani, quanto bastava alla nazione.
Carne. Carne da cannone. Buona a uccidere o a farsi uccidere.
Carne e ossa, nient'altro. Bipedi armati. Niente di più. Niente anima, al massimo quel tanto che basta per farsela sotto dalla paura.
Per il tempo di andare a combattere o a morire dovevano riporre nello spogliatoio di una caserma i singoli individui che tentavano di essere. Tutto ciò per cui si amavano e si stimavano, tutto ciò per cui tenevano gli uni agli altri ormai appariva ridicolo, civicamente odioso, patriotticamente inaccettabile, Il loro futuro non apparteneva più a loro, apparteneva alla nazione.
Più che una delusione, la guerra si trasformava per loro in un tradimento: tradire il loro ideale artistico per diventare fanti, tradire anni di studi per trasportare una mitragliatrice, tradire quel lungo lavoro di costruzione di sé per ridursi a un numero in un battaglione. E soprattutto tradire quell'apporto generoso di nuovi esseri al mondo in cui consiste l'attività creatrice, per arruolarsi in una mattanza generalizzata, in un'opera di distruzione, in una fuga in avanti verso il vuoto "

Éric-Emmanuel Schmitt , La Part de l'autre