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" Quoi qu’il en soit, et sans prétendre risquer la moindre prédiction, il est bien difficile, en présence de toutes ces choses, de s’empêcher de penser à ces paroles de l’Évangile : « Il s’élèvera de faux Christs et de faux prophètes, qui feront de grands prodiges et des choses étonnantes, jusqu’à séduire, s’il était possible, les élus eux-mêmes ». Assurément, nous n’en sommes pas encore là ; les faux Messies que nous avons vus jusqu’ici n’ont fait que des prodiges d’une qualité fort inférieure, et ceux qui les ont suivis n’étaient probablement pas bien difficiles à séduire ; mais qui sait ce que nous réserve l’avenir ? Si l’on réfléchit que ces faux Messies n’ont jamais été que des instruments plus ou moins inconscients entre les mains de ceux qui les ont suscités, et si l’on se reporte en particulier à la série de tentatives faites successivement par les théosophistes, on est amené à penser que ce ne sont là que des essais, des expériences en quelque sorte, qui se renouvelleront sous des formes diverses jusqu’à ce que la réussite soit obtenue, et qui, en attendant, ont toujours pour résultat de jeter un certain trouble dans les esprits. Nous ne croyons pas, d’ailleurs, que les théosophistes, non plus que les occultistes et les spirites, soient de force à réussir pleinement par eux-mêmes une telle entreprise ; mais n’y aurait-il pas, derrière tous ces mouvements, quelque chose d’autrement redoutable, que leurs chefs mêmes ne connaissent peut-être pas, et dont ils ne sont pourtant à leur tour que de simples instruments ? Nous nous contenterons de poser cette dernière question sans chercher à la résoudre ici ; il faudrait, pour cela, faire intervenir des considérations extrêmement complexes, et qui nous entraîneraient bien au delà des limites que nous nous sommes fixées pour la présente étude.

Les efforts faits, vainement d’ailleurs, par Krishnamurti pour se soustraire à son rôle de Messie (voir chapitre XXI, note additionnelle F) montrent bien qu’il n’est qu’un simple instrument, et nous dirions volontiers une victime d’entreprises où sa volonté personnelle n’est pour rien. Le développement présent du messianisme théosophiste, qui ne semble d’ailleurs pas faire dans le « monde extérieur » autant de bruit qu’on l’espérait, n’apporte donc aucune modification à ce que nous écrivions avant les derniers événements ; et il faut ajouter que, même si les chefs du théosophisme considèrent maintenant qu’il y a là plus qu’une simple tentative, il se peut fort bien que, pour d’autres, leur mouvement même ne soit qu’un des multiples éléments qui doivent concourir à préparer la réalisation d’un plan beaucoup plus vaste et plus complexe. [Note additionnelle de la seconde édition.] "

René Guénon , Theosophy: History of a Pseudo-Religion


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René Guénon quote : Quoi qu’il en soit, et sans prétendre risquer la moindre prédiction, il est bien difficile, en présence de toutes ces choses, de s’empêcher de penser à ces paroles de l’Évangile : « Il s’élèvera de faux Christs et de faux prophètes, qui feront de grands prodiges et des choses étonnantes, jusqu’à séduire, s’il était possible, les élus eux-mêmes ». Assurément, nous n’en sommes pas encore là ; les faux Messies que nous avons vus jusqu’ici n’ont fait que des prodiges d’une qualité fort inférieure, et ceux qui les ont suivis n’étaient probablement pas bien difficiles à séduire ; mais qui sait ce que nous réserve l’avenir ? Si l’on réfléchit que ces faux Messies n’ont jamais été que des instruments plus ou moins inconscients entre les mains de ceux qui les ont suscités, et si l’on se reporte en particulier à la série de tentatives faites successivement par les théosophistes, on est amené à penser que ce ne sont là que des essais, des expériences en quelque sorte, qui se renouvelleront sous des formes diverses jusqu’à ce que la réussite soit obtenue, et qui, en attendant, ont toujours pour résultat de jeter un certain trouble dans les esprits. Nous ne croyons pas, d’ailleurs, que les théosophistes, non plus que les occultistes et les spirites, soient de force à réussir pleinement par eux-mêmes une telle entreprise ; mais n’y aurait-il pas, derrière tous ces mouvements, quelque chose d’autrement redoutable, que leurs chefs mêmes ne connaissent peut-être pas, et dont ils ne sont pourtant à leur tour que de simples instruments ? Nous nous contenterons de poser cette dernière question sans chercher à la résoudre ici ; il faudrait, pour cela, faire intervenir des considérations extrêmement complexes, et qui nous entraîneraient bien au delà des limites que nous nous sommes fixées pour la présente étude.<br /><br />Les efforts faits, vainement d’ailleurs, par Krishnamurti pour se soustraire à son rôle de Messie (voir chapitre XXI, note additionnelle F) montrent bien qu’il n’est qu’un simple instrument, et nous dirions volontiers une victime d’entreprises où sa volonté personnelle n’est pour rien. Le développement présent du messianisme théosophiste, qui ne semble d’ailleurs pas faire dans le « monde extérieur » autant de bruit qu’on l’espérait, n’apporte donc aucune modification à ce que nous écrivions avant les derniers événements ; et il faut ajouter que, même si les chefs du théosophisme considèrent maintenant qu’il y a là plus qu’une simple tentative, il se peut fort bien que, pour d’autres, leur mouvement même ne soit qu’un des multiples éléments qui doivent concourir à préparer la réalisation d’un plan beaucoup plus vaste et plus complexe. [Note additionnelle de la seconde édition.]