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" si les sciences qui intéressent tant les Occidentaux n’avaient jamais acquis antérieurement un développement comparable à celui qu’ils leur ont donné, c’est qu’on n’y attachait pas une importance suffisante pour y consacrer de tels efforts. Mais, si les résultats sont valables lorsqu’on les prend chacun à part (ce qui concorde bien avec le caractère tout analytique de la science moderne), l’ensemble ne peut produire qu’une impression de désordre et d’anarchie ; on ne s’occupe pas de la qualité des connaissances qu’on accumule, mais seulement de leur quantité ; c’est la dispersion dans le détail indéfini. De plus, il n’y a rien au-dessus de ces sciences analytiques : elles ne se rattachent à rien et, intellectuellement, ne conduisent à rien ; l’esprit moderne se renferme dans une relativité de plus en plus réduite, et, dans ce domaine si peu étendu en réalité, bien qu’il le trouve immense, il confond tout, assimile les objet les plus distincts, veut appliquer à l’un les méthodes qui conviennent exclusivement à l’autre, transporte dans une science les conditions qui définissent une science différente, et finalement s’y perd et ne peut plus s’y reconnaître, parce qu’il lui manque les principes directeurs. De là le chaos des théories innombrables, des hypothèses qui se heurtent, s’entrechoquent, se contredisent, se détruisent et se remplacent les unes les autres, jusqu’à ce que, renonçant à savoir, on en arrive à déclarer qu’il ne faut chercher que pour chercher, que la vérité est inaccessible à l’homme, que peut-être même elle n’existe pas, qu’il n’y a lieu de se préoccuper que de ce qui est utile ou avantageux, et que, après tout, si l’on trouve bon de l’appeler vrai, il n’y a à cela aucun inconvénient. L’intelligence qui nie ainsi la vérité nie sa propre raison d’être, c’est-à-dire qu’elle se nie elle-même ; le dernier mot de la science et de la philosophie occidentales, c’est le suicide de l’intelligence ; "

René Guénon , East and West


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René Guénon quote : si les sciences qui intéressent tant les Occidentaux n’avaient jamais acquis antérieurement un développement comparable à celui qu’ils leur ont donné, c’est qu’on n’y attachait pas une importance suffisante pour y consacrer de tels efforts. Mais, si les résultats sont valables lorsqu’on les prend chacun à part (ce qui concorde bien avec le caractère tout analytique de la science moderne), l’ensemble ne peut produire qu’une impression de désordre et d’anarchie ; on ne s’occupe pas de la qualité des connaissances qu’on accumule, mais seulement de leur quantité ; c’est la dispersion dans le détail indéfini. De plus, il n’y a rien au-dessus de ces sciences analytiques : elles ne se rattachent à rien et, intellectuellement, ne conduisent à rien ; l’esprit moderne se renferme dans une relativité de plus en plus réduite, et, dans ce domaine si peu étendu en réalité, bien qu’il le trouve immense, il confond tout, assimile les objet les plus distincts, veut appliquer à l’un les méthodes qui conviennent exclusivement à l’autre, transporte dans une science les conditions qui définissent une science différente, et finalement s’y perd et ne peut plus s’y reconnaître, parce qu’il lui manque les principes directeurs. De là le chaos des théories innombrables, des hypothèses qui se heurtent, s’entrechoquent, se contredisent, se détruisent et se remplacent les unes les autres, jusqu’à ce que, renonçant à savoir, on en arrive à déclarer qu’il ne faut chercher que pour chercher, que la vérité est inaccessible à l’homme, que peut-être même elle n’existe pas, qu’il n’y a lieu de se préoccuper que de ce qui est utile ou avantageux, et que, après tout, si l’on trouve bon de l’appeler vrai, il n’y a à cela aucun inconvénient. L’intelligence qui nie ainsi la vérité nie sa propre raison d’être, c’est-à-dire qu’elle se nie elle-même ; le dernier mot de la science et de la philosophie occidentales, c’est le suicide de l’intelligence ;