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" Les billes, je les aime tant et j'en ai tant gagné que je pourrais m'en emplir la bouche et tout le cordon intestinal, n'être plus qu'un bonhomme de billes : j'en ai plusieurs trousses que je décharge le soir dans une boîte à chaussures. Quand ce n'est pas la saison du scoubidou et de la cocotte-surprise, et je me rejette dans la bataille. Je suis devenu le boss des billes, c'est moi qui ai lancé la bille à cent, une trouvaile : mes rivaux ne pratiquent que la bille à dix. Chaque matin j'emporte une trousse vide, une trousse à demi pleine, et dans mes poches quelques calots qui comptent pour dix. J'ai mon emplacement réservé, juste à droite de la porte qui mène du préau à la cour, tout contre le mur il y a dans le sool gris comme un minuscule coquetier qui semble taillé tout exprès pour que j'y mette ma bille, j'ai mon créneau, je le paye en billes, et j'ai mes employés qui surveillent les joueurs. Je calcule la distance qui doit être appropriée à un tel lot : elle doit rendre la bille pratiquement invisible. Les billes pleuvent, je vérifie que ma petite bille ne bouge pas, je la fixe pour l'en empêcher. Pendant ce temps-là mes employés ramassent les billes et en remplissent une de mes deux trousses ouvertes par terre, je les surveille à peine, je les paye trop bien. Personne ne gagne. Quand mes deux trousses et toutes mes poches sont pleines à craquer, et que les poches de mes employés sont aussi pas mal remplies, je retire ma bille adorée. Je fais toujours avant de disparaître une petite distribution gratuite, pour apaiser ceux qui se sont sauvagement dépossédés ans cette mise insensée, je les fais courir en envoyant les grappes de billes à pleines mains le plus loin possible. J'aime qu'après cela, on me regarde avec reconnaissance. "

Hervé Guibert , My Parents


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Hervé Guibert quote : Les billes, je les aime tant et j'en ai tant gagné que je pourrais m'en emplir la bouche et tout le cordon intestinal, n'être plus qu'un bonhomme de billes : j'en ai plusieurs trousses que je décharge le soir dans une boîte à chaussures. Quand ce n'est pas la saison du scoubidou et de la cocotte-surprise, et je me rejette dans la bataille. Je suis devenu le boss des billes, c'est moi qui ai lancé la bille à cent, une trouvaile : mes rivaux ne pratiquent que la bille à dix. Chaque matin j'emporte une trousse vide, une trousse à demi pleine, et dans mes poches quelques calots qui comptent pour dix. J'ai mon emplacement réservé, juste à droite de la porte qui mène du préau à la cour, tout contre le mur il y a dans le sool gris comme un minuscule coquetier qui semble taillé tout exprès pour que j'y mette ma bille, j'ai mon créneau, je le paye en billes, et j'ai mes employés qui surveillent les joueurs. Je calcule la distance qui doit être appropriée à un tel lot : elle doit rendre la bille pratiquement invisible. Les billes pleuvent, je vérifie que ma petite bille ne bouge pas, je la fixe pour l'en empêcher. Pendant ce temps-là mes employés ramassent les billes et en remplissent une de mes deux trousses ouvertes par terre, je les surveille à peine, je les paye trop bien. Personne ne gagne. Quand mes deux trousses et toutes mes poches sont pleines à craquer, et que les poches de mes employés sont aussi pas mal remplies, je retire ma bille adorée. Je fais toujours avant de disparaître une petite distribution gratuite, pour apaiser ceux qui se sont sauvagement dépossédés ans cette mise insensée, je les fais courir en envoyant les grappes de billes à pleines mains le plus loin possible. J'aime qu'après cela, on me regarde avec reconnaissance.