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1 " Quelque sujet qu’on traite, ou plaisant, ou sublime,Que toujours le bon sens s’accorde avec la rime ;L’un l’autre vainement ils semblent se haïr ;La rime est une esclave et ne doit qu’obéir.Lorsqu’à la bien chercher d’abord on s’évertue,L’esprit à la trouver aisément s’habitue ;Au joug de la raison sans peine elle fléchitEt, loin de la gêner, la sert et l’enrichit.Mais, lorsqu’on la néglige, elle devient rebelle,Et, pour la rattraper, le sens court après elle.Aimez donc la raison : que toujours vos écritsEmpruntent d’elle seule et leur lustre et leur prix. "
― , L'Art Poétique
2 " Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,Et les mots pour le dire arrivent aisément. "
3 " Craignez-vous pour vos vers la censure publique ?Soyez-vous à vous-même un sévère critique.L’ignorance toujours est prête à s’admirer.Faites-vous des amis prompts à vous censurer ;Qu’ils soient de vos écrits les confidents sincères,Et de tous vos défauts les zélés adversaires.Dépouillez devant eux l’arrogance d’auteur,Mais sachez de l’ami discerner le flatteur :Tel vous semble applaudir, qui vous raille et vous joue.Aimez qu’on vous conseille, et non pas qu’on vous loue. "
4 " Il est certains esprits dont les sombres penséesSont d’un nuage épais toujours embarrassées ;Le jour de la raison ne le saurait percer.Avant donc que d’écrire, apprenez à penser.Selon que notre idée est plus ou moins obscure,L’expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement,Et les mots pour le dire arrivent aisément. "
5 " Fuyez de ces auteurs l'abondance stérile,Et ne vous chargez point d'un détail inutile.Tout ce qu'on dit de trop est fade et rebutant;L'esprit rassasié le rejette à l'instant.Qui ne sait se borner ne sut jamais écrire.Souvent la peur d'un mal nous conduit dans un pire.Un vers étoit trop foible, et vous le rendez dur;J'évite d'être long, et je deviens obscur;L'un n'est point trop fardé, mais sa muse est trop nue;L'autre a peur de ramper, il se perd dans la nue.Voulez-vous du public mériter les amours,Sans cesse en écrivant variez vos discours.Un style trop égal et toujours uniformeEn vain brille à nos yeux, il faut qu'il nous endormeOn lit peu ces auteurs, nés pour nous ennuyer,Qui toujours sur un ton semblent psalmodier.Heureux qui, dans ses vers, sait d'une voix légèrePasser du grave au doux, du plaisant au sévère! "