42
" Du peuple qu’il a renié, il a perdu le sang généreux et la force naïve… De la bourgeoisie, il a gagné les vices honteux, sans avoir pu acquérir les moyens de les satisfaire… et les sentiments vils, les lâches peurs, les criminels appétits, sans le décor, et, par conséquent, sans l’excuse de la richesse… L’âme toute salie, il traverse cet honnête monde bourgeois et rien que d’avoir respiré l’odeur mortelle qui monte de ces putrides cloaques, il perd, à jamais, la sécurité de son esprit, et jusqu’à la forme même de son moi… Au fond de tous ces souvenirs, parmi ce peuple de figures où il erre, fantôme de lui-même, il ne trouve à remuer que de l’ordure, c’est-à-dire de la souffrance… Il rit souvent, mais son rire est forcé. Ce rire ne vient pas de la joie rencontrée, de l’espoir réalisé, et il garde l’amère grimace de la révolte, le pli dur et crispé du sarcasme. Rien n’est plus douloureux et laid que ce rire ; il brûle et dessèche… Mieux vaudrait, peut-être, que j’eusse pleuré ! Et puis, je ne sais pas… Et puis, zut !… Arrivera ce qui pourra… "
― Octave Mirbeau , The Diary of a Chambermaid
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" Ma seule distraction est d’aller, le dimanche, au sortir de la messe, chez Mme Gouin, l’épicière… Le dégoût m’en éloigne, mais l’ennui, plus fort, m’y ramène. Là, du moins, on se retrouve, toutes ensemble… On potine, on rigole, on fait du bruit, en sirotant des petits verres de mêlé-cassis… Il y a là, un peu, l’illusion de la vie… Et le temps passe… "
― Octave Mirbeau , The Diary of a Chambermaid
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" That the very next day I would no longer possess those swooning eyes, those devouring lips, the nightly renewed miracle of that body with its divine contours and savage embraces; and, after long spasms as powerful as sin and as deep as death, that naive stammering, those little laughs, those little tears, those languid little songs of a child or a bird—was it possible! And I would lose all that was more necessary for breathing than my lungs; more necessary for thinking than my brain; more necessary for nourishing my veins with warm blood than my heart! Impossible! I belonged to Clara like the coal belongs to the fire which devours and consumes it. Both to her and me, a separation had seemed so inconceivable and so insanely fantastic, so totally contrary to the laws of nature and life, that we had never spoken of it. "
― Octave Mirbeau , The Torture Garden
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" И аз заминах! Благодарение на насмешката на съдбата, която наистина ме преследваше, аз се възползувах, за да избягам от Клара, като премина през Кантон с английската мисия — мен решително ми вървеше на мисии, — която отиваше да изучи малко познатите местности на Аннам… То беше забрава може би… и може би смърт. В продължение на две години, две дълги и ужасни години аз вървях, вървях… И това не бе нито забрава, нито смърт. Въпреки умората, опасностите и проклетата треска нито за един ден, ни една минута не можах да се изцеря от страшната отрова, която бе вляла в кръвта ми тая жена, за която чувствувах, че това, което ме привързваше към нея, което ме приковаваше, бе ужасяващото разлагане на нейната душа и нейните любовни престъпления; тя бе едно чудовище и аз я обичах именно защото бе чудовище! Аз мислех — дали наистина мислех? — да се издигна чрез нейната любов, но паднах по-ниско, на дъното на отровната бездна, от която, веднъж вдъхнал изпаренията й, никога няма измъкване. "
― Octave Mirbeau , The Torture Garden
54
" Il n’est plus du peuple, d’où il sort ; il n’est pas, non plus, de la bourgeoisie où il vit et où il tend… Du peuple qu’il a renié, il a perdu le sang généreux et la force naïve… De la bourgeoisie, il a gagné les vices honteux, sans avoir pu acquérir les moyens de les satisfaire… et les sentiments vils, les lâches peurs, les criminels appétits, sans le décor, et, par conséquent, sans l’excuse de la richesse… L’âme toute salie, il traverse cet honnête monde bourgeois et rien que d’avoir respiré l’odeur mortelle qui monte de ces putrides cloaques, il perd, à jamais, la sécurité de son esprit, et jusqu’à la forme même de son moi… "
― Octave Mirbeau , The Diary of a Chambermaid
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" J’adore servir à table. C’est là qu’on surprend ses maîtres dans toute la saleté, dans toute la bassesse de leur nature intime. Prudents, d’abord, et se surveillant l’un l’autre, ils en arrivent, peu à peu, à se révéler, à s’étaler tels qu’ils sont, sans fard et sans voiles, oubliant qu’il y a autour d’eux quelqu’un qui rôde et qui écoute et qui note leurs tares, leurs bosses morales, les plaies secrètes de leur existence, tout ce que peut contenir d’infamies et de rêves ignobles le cerveau respectable des honnêtes gens. Ramasser ces aveux, les classer, les étiqueter dans notre mémoire, en attendant de s’en faire une arme terrible, au jour des comptes à rendre, c’est une des grandes et fortes joies du métier, et c’est la revanche la plus précieuse de nos humiliations… "
― Octave Mirbeau , The Diary of a Chambermaid