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" Mais, j’aurai beau supplier, j’aurai beau me révolter, il n’y aura plus rien pour moi ; je ne serai, désormais, ni heureux, ni malheureux. Je ne peux pas ressusciter. Je vieillirai aussi tranquille que je le suis aujourd’hui dans cette chambre où tant d’êtres ont laissé leur trace, où aucun être n’a laissé la sienne.
Cette chambre, on la retrouve à chaque pas. C’est la chambre de tout le monde. On croit qu’elle est fermée, non : elle est ouverte aux quatre vents de l’espace. Elle est perdue au milieu des chambres semblables, comme de la lumière dans le ciel, comme un jour dans les jours, comme moi partout.
Moi, moi ! Je ne vois plus maintenant que la pâleur de ma figure, aux orbites profondes, enterrée dans le soir, et ma bouche pleine d’un silence qui doucement, mais sûrement, m’étouffe et m’anéantit.
Je me soulève sur mon coude comme sur un moignon d’aile. Je voudrais qu’il m’arrivât quelque chose d’infini ! "
― Henri Barbusse , Hell
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" victor hugo, Les Contemplations, Mors
Je vis cette faucheuse. Elle était dans son champ.
Elle allait à grands pas moissonnant et fauchant,
Noir squelette laissant passer le crépuscule.
Dans l'ombre où l'on dirait que tout tremble et recule,
L'homme suivait des yeux les lueurs de la faulx.
Et les triomphateurs sous les arcs triomphaux
Tombaient ; elle changeait en désert Babylone,
Le trône en échafaud et l'échafaud en trône,
Les roses en fumier, les enfants en oiseaux,
L'or en cendre, et les yeux des mères en ruisseaux.
Et les femmes criaient : - Rends-nous ce petit être.
Pour le faire mourir, pourquoi l'avoir fait naître ? -
Ce n'était qu'un sanglot sur terre, en haut, en bas ;
Des mains aux doigts osseux sortaient des noirs grabats ;
Un vent froid bruissait dans les linceuls sans nombre ;
Les peuples éperdus semblaient sous la faulx sombre
Un troupeau frissonnant qui dans l'ombre s'enfuit ;
Tout était sous ses pieds deuil, épouvante et nuit.
Derrière elle, le front baigné de douces flammes,
Un ange souriant portait la gerbe d'âmes. "
― Victor Hugo
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" Hey, babe, can I sit here?” Elle turned her head and saw Nero standing there, holding a tray.
Did he just really ask that, and did he just really call me ‘babe’?
“Are you serious? Sit here?” Elle pointed to the chair beside her.
“Yes, I was talking directly to you, wasn’t I?” Nero was definitely a smartass.
“No, you clearly weren’t because my name isn’t ‘babe’. I bet you don’t even know my name. So, no, you cannot sit here, Nero. "
― Sarah Brianne , Nero (Made Men, #1)
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" The aesthetic construct, and nothing else, has taught us to expose ourselves to a non-enslaving experience of rank differences. The work of art is even allowed to 'tell' us, those who have run away from form, something, because it quite obviously does not embody the intention to confine us. 'La poesie ne s'impose plus, elle s'expose' Something that exposes itself and proves itself in this test gains unpresumed authority. In the space of aesthetic simulation, which is at once the emergency space for the success and failure of the artistic construct, the powerless superiority of the works can affect observers who otherwise take pains to ensure that they have no lord, old or new, above them. "
― Peter Sloterdijk , You Must Change Your Life
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" O dieses ist das Tier, das es nicht giebt.Sie wußtens nicht und habens jeden Falls– sein Wandeln, seine Haltung, seinen Hals,bis in des stillen Blickes Licht – geliebt.Zwar war es nicht. Doch weil sie’s liebten, wardein reines Tier. Sie ließen immer Raum.Und in dem Raume, klar und ausgespart,erhob es leicht sein Haupt und brauchte kaumzu seinÈ questo l’animale favoloso, che non esiste. Non veduto mai, ne amaron le movenze, il collo, il passo: fino la luce dello sguardo calmo.Pure “non era”. Ma perchè lo amarono,divenne. Intatto. Gli lasciavan sempre più spazio. E in quello spazio chiaro, etereo:serbato a lui – levò, leggiero, il capo.And here we have the creature that is not.But they did not allow this , and as it happens- his gait and bearing, his arched neck,even the light in his eyes - they loved it all.Yet truly he was not. But because they loved himthe beast was seen. And always they made room.And in that space, empty and unbounded,he raised an elegant head, yet hardly foughtfor his existence. Oh ! C'est elle, la bête qui n'existe pas.Eux, ils n'en savaient rien, et de toutes façons- son allure et son port, son col et même la lumièrecalme de son regard - ils l'ont aimée.Elle, c'est vrai, n'existait point. Mais parce qu'ils l'aimaientbête pure, elle fut. Toujours ils lui laissaient l'espace.Et dans ce clair espace épargné, doucement,Elle leva la tête, ayant à peine besoin d'être. "