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" J'ai écrit le mot  : amour. J'ai bien envisagé d'en employer un autre. Au moins parce que c'est une notion curieuse, l'amour  ; difficile à définir, à cerner, à établir. Il en existe tant de degrés, tant de variations. J'aurais pu me contenter d'affirmer que j'étais attendri (et il est exact que T.   savait à merveille me faire faiblir, fléchir), ou charmé (il s'y entendait comme personne pour attirer à lui, conquérir, flatter, et même ensorceler), ou troublé (il provoquait souvent un mélange de perplexité et d'émoi, renversait les situations), ou séduit (il m'attirait dans ses filets, me bluffait, me gagnait à ses causes), ou épris (j'étais bêtement enjoué, je pouvais m'enflammer pour un rien)  ; ou même aveuglé (je mettais de côté ce qui m'embarrassait, je minimisais ses défauts, portais aux nues ses qualités), perturbé (je n'étais plus tout à fait moi-même), ce qui aurait un sens moins favorable. J'aurais pu expliquer qu'il ne s'agissait que d'affection, que je me contentais d'avoir le «  béguin  », une formulation suffisamment floue pour englober n'importe quoi. Mais ce serait me payer de mots. La vérité, la vérité toute nue, c'est que j'étais amoureux. Autant employer les mots précis. "

Philippe Besson , Lie With Me


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Philippe Besson quote : J'ai écrit le mot  : amour. J'ai bien envisagé d'en employer un autre. Au moins parce que c'est une notion curieuse, l'amour  ; difficile à définir, à cerner, à établir. Il en existe tant de degrés, tant de variations. J'aurais pu me contenter d'affirmer que j'étais attendri (et il est exact que T.   savait à merveille me faire faiblir, fléchir), ou charmé (il s'y entendait comme personne pour attirer à lui, conquérir, flatter, et même ensorceler), ou troublé (il provoquait souvent un mélange de perplexité et d'émoi, renversait les situations), ou séduit (il m'attirait dans ses filets, me bluffait, me gagnait à ses causes), ou épris (j'étais bêtement enjoué, je pouvais m'enflammer pour un rien)  ; ou même aveuglé (je mettais de côté ce qui m'embarrassait, je minimisais ses défauts, portais aux nues ses qualités), perturbé (je n'étais plus tout à fait moi-même), ce qui aurait un sens moins favorable. J'aurais pu expliquer qu'il ne s'agissait que d'affection, que je me contentais d'avoir le «  béguin  », une formulation suffisamment floue pour englober n'importe quoi. Mais ce serait me payer de mots. La vérité, la vérité toute nue, c'est que j'étais amoureux. Autant employer les mots précis.