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" Je n'ai jamais vu le Sheikh Ahmed, qui était encore très peu connu à l'époque déjà lointaine où j'étais en Algérie [à Sétif, durant l'année scolaire 1917-1918], et d'ailleurs je n'ai pas eu l'occasion d'aller dans la province d'Oran; c'est seulement beaucoup plus tard que je suis entré en correspondance avec Mostaganem par l'entremise de Taillard. Quant au 1er voyage de Sh.[eikh] A.[ïssa] [F. Schuon], voici ce qu'il en est exactement : quand il m'a annoncé qu'il partait pour l'Algérie, sa lettre m'est arrivée trop tard pour qu'une réponse puisse encore lui parvenir avant la date de son départ, de sorte que je n'ai pas pu lui donner alors une indication quelconque; tout ce que j'ai pu faire et ce que j'ai fait était d'invoquer pour lui la barakah de Sidi Abul-Hassan [ash-Shâdhilî], en demandant qu'il soit conduit auprès du Sheikh Ahmed, et c'est ce qui est arrivé en effet, à la suite d'un ensemble de circonstances assez singulières comme vous le savez; je dois dire que lui-même n'a jamais rien su de cela, car j'ai trouvé inutile de lui en parler. Pour ce qui est de la suite, c'est lui qui me l'a raconté la 1re fois qu'il est venu ici: à son arrivée, il n'a pas pu voir le Sheikh Ahmed qui était souffrant, et ceux qui l'ont reçu lui ont déclaré que, ne le connaissant pas, ils ne pouvaient pas l'admettre à séjourner à la zawîyah; au cours de la conversation, il lui est arrivé de prononcer mon nom, je ne sais à quel propos, et l'attitude à son égard a changé aussitôt : on lui a dit alors qu'on venait justement de recevoir une lettre de moi le jour même, et, bien que naturellement il n'y ait eu dans cette lettre rien le concernant, cette coïncidence a été interprétée comme un signe favorable, de sorte qu'on l'a autorisé à rester. Quelques jours plus tard, il m'a écrit pour me faire savoir où il était, mais il ne savait pas encore de quoi il s'agissait en réalité ni ce que c'était que la tarîqah; c'est en lui répondant que je lui ai donné des explications qui l'ont déterminé à demander son rattachement; il ne s'agit donc pas d'une lettre qui lui aurait été renvoyée de France comme vous l'avez entendu dire, puisque je n'avais pas pu lui écrire avant son départ. Vous voyez par tout cela que je pourrais bien dire, sans exagération, que sans moi il n'y aurait jamais eu de Sh. A. ! - Je vous disais la dernière fois qu'il n'y avait aucune différence entre son cas et celui des autres moqaddem qui ont cessé d'entretenir des relations avec Mostaganem; il y en a cependant une qui, en un certain sens, serait à son désavantage : c'est que les autres avaient été nommés par le Sheikh Ahmed, tandis que lui ne l'a été qu'après sa mort et par le Sheikh Adda.

16 septembre 1950
[Cahiers de l'Unité n°13, Stanislas Ibranoff, René Guénon et la tradition hindoue par Renaud Fabbri] "

René Guénon


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René Guénon quote : Je n'ai jamais vu le Sheikh Ahmed, qui était encore très peu connu à l'époque déjà lointaine où j'étais en Algérie [à Sétif, durant l'année scolaire 1917-1918], et d'ailleurs je n'ai pas eu l'occasion d'aller dans la province d'Oran; c'est seulement beaucoup plus tard que je suis entré en correspondance avec Mostaganem par l'entremise de Taillard. Quant au 1er voyage de Sh.[eikh] A.[ïssa] [F. Schuon], voici ce qu'il en est exactement : quand il m'a annoncé qu'il partait pour l'Algérie, sa lettre m'est arrivée trop tard pour qu'une réponse puisse encore lui parvenir avant la date de son départ, de sorte que je n'ai pas pu lui donner alors une indication quelconque; tout ce que j'ai pu faire et ce que j'ai fait était d'invoquer pour lui la barakah de Sidi Abul-Hassan [ash-Shâdhilî], en demandant qu'il soit conduit auprès du Sheikh Ahmed, et c'est ce qui est arrivé en effet, à la suite d'un ensemble de circonstances assez singulières comme vous le savez; je dois dire que lui-même n'a jamais rien su de cela, car j'ai trouvé inutile de lui en parler. Pour ce qui est de la suite, c'est lui qui me l'a raconté la 1re fois qu'il est venu ici: à son arrivée, il n'a pas pu voir le Sheikh Ahmed qui était souffrant, et ceux qui l'ont reçu lui ont déclaré que, ne le connaissant pas, ils ne pouvaient pas l'admettre à séjourner à la zawîyah; au cours de la conversation, il lui est arrivé de prononcer mon nom, je ne sais à quel propos, et l'attitude à son égard a changé aussitôt : on lui a dit alors qu'on venait justement de recevoir une lettre de moi le jour même, et, bien que naturellement il n'y ait eu dans cette lettre rien le concernant, cette coïncidence a été interprétée comme un signe favorable, de sorte qu'on l'a autorisé à rester. Quelques jours plus tard, il m'a écrit pour me faire savoir où il était, mais il ne savait pas encore de quoi il s'agissait en réalité ni ce que c'était que la tarîqah; c'est en lui répondant que je lui ai donné des explications qui l'ont déterminé à demander son rattachement; il ne s'agit donc pas d'une lettre qui lui aurait été renvoyée de France comme vous l'avez entendu dire, puisque je n'avais pas pu lui écrire avant son départ. Vous voyez par tout cela que je pourrais bien dire, sans exagération, que sans moi il n'y aurait jamais eu de Sh. A. ! - Je vous disais la dernière fois qu'il n'y avait aucune différence entre son cas et celui des autres moqaddem qui ont cessé d'entretenir des relations avec Mostaganem; il y en a cependant une qui, en un certain sens, serait à son désavantage : c'est que les autres avaient été nommés par le Sheikh Ahmed, tandis que lui ne l'a été qu'après sa mort et par le Sheikh Adda.<br /><br />16 septembre 1950<br />[Cahiers de l'Unité n°13, Stanislas Ibranoff, René Guénon et la tradition hindoue par Renaud Fabbri]