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" L'exode relève de la condition humaine.
Pourtant, ceux qui ,e fuient pas refusent cette réalité. Provisoirement à l'abri, campés sur leur terrain ainsi qu'un chêne dans le sol, prenant leurs pieds pour des racines, ils estiment que l'espace leur appartient et considèrent le migrant comme un être inférieur doublé d'une nuisance. Quelle bêtise aveugle ! J'aimerais tant que l'esprit de leurs aïeux circule en eux pour leur rappeler les kilomètres parcourus, les transhumances sans fin, la peur au ventre, l'incertitude, la faim. Pourquoi, au fond de leur chair, ne subsistent pas les souvenirs de leurs anciens qui survécurent au danger, à l'hostilité, à la misère, aux guerres ? La mémoire de ces courages ou des ces sacrifices auxquels ils doivent leur vie les rendraient moins sots. S'ils connaissaient et reconnaissaient leur histoire, leur fragilité constitutive, la volatilité de leur identité, ils perdraient l'illusion de leur supériorité. Il n'existe pas d'humain plus légitime à habiter ici que là. Le migrant, ce n'est pas l'autre ; le migrant, c'est moi hier ou moi demain. Par ses ancêtres ou par ses descendants, chacun de nous porte mille migrants en lui. "

Éric-Emmanuel Schmitt , Paradis perdus (La traversée des temps, #1)


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Éric-Emmanuel Schmitt quote : L'exode relève de la condition humaine.<br />Pourtant, ceux qui ,e fuient pas refusent cette réalité. Provisoirement à l'abri, campés sur leur terrain ainsi qu'un chêne dans le sol, prenant leurs pieds pour des racines, ils estiment que l'espace leur appartient et considèrent le migrant comme un être inférieur doublé d'une nuisance. Quelle bêtise aveugle ! J'aimerais tant que l'esprit de leurs aïeux circule en eux pour leur rappeler les kilomètres parcourus, les transhumances sans fin, la peur au ventre, l'incertitude, la faim. Pourquoi, au fond de leur chair, ne subsistent pas les souvenirs de leurs anciens qui survécurent au danger, à l'hostilité, à la misère, aux guerres ? La mémoire de ces courages ou des ces sacrifices auxquels ils doivent leur vie les rendraient moins sots. S'ils connaissaient et reconnaissaient leur histoire, leur fragilité constitutive, la volatilité de leur identité, ils perdraient l'illusion de leur supériorité. Il n'existe pas d'humain plus légitime à habiter ici que là. Le migrant, ce n'est pas l'autre ; le migrant, c'est moi hier ou moi demain. Par ses ancêtres ou par ses descendants, chacun de nous porte mille migrants en lui.