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" Logiquement, la démocratie s'oppose à la tyrannie, mais en fait, elle y mène ; c'est-à-dire : comme sa réaction est sentimentale — sans quoi elle serait centripète et tendrait vers la théocratie, seule garantie d'une liberté réaliste — elle n'est qu'un extrême qui, par sa négation irréaliste de l'autorité et de la compétence, appelle fatalement un autre extrême et une nouvelle réaction autoritaire, autoritaire celle-ci et tyrannique par son principe même. L'illusion démocratique apparaît surtout dans les traits suivants : en démocratie, est vrai ce que croit la majorité ; c'est elle qui « crée » pratiquement la vérité ; la démocratie elle-même n'est vraie que dans la mesure où — et aussi longtemps que — la majorité y croit, elle porte donc en son sein les germes de son suicide. L'autorité, qu'on est bien obligé de tolérer sous peine d'anarchie, vit à la merci des électeurs, d'où l'impossibilité de gouverner réellement ; l'idéal de « liberté » fait du gouvernement un prisonnier qui doit suivre constamment les pressions des divers groupes d'intérêt ; les campagnes électorales elles-mêmes prouvent que les aspirants à l'autorité doivent duper les électeurs, et les moyens de cette duperie sont si grossiers et stupides, et constituent un tel avilissement du peuple, que cela devrait suffire pour réduire à néant le mythe de la démocratie moderne. Ce n'est pas à dire qu'aucun genre de démocratie ne soit possible : mais alors il s'agit d'abord de collectivités restreintes — nomades surtout — et ensuite d'une démocratie intérieurement aristocratique et théocratique, non d'un égalitarisme laïc imposé à de grands peuples sédentaires.

"La Transfiguration de l'homme" (1995) "

Frithjof Schuon , The Transfiguration of Man


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Frithjof Schuon quote : Logiquement, la démocratie s'oppose à la tyrannie, mais en fait, elle y mène ; c'est-à-dire : comme sa réaction est sentimentale — sans quoi elle serait centripète et tendrait vers la théocratie, seule garantie d'une liberté réaliste — elle n'est qu'un extrême qui, par sa négation irréaliste de l'autorité et de la compétence, appelle fatalement un autre extrême et une nouvelle réaction autoritaire, autoritaire celle-ci et tyrannique par son principe même. L'illusion démocratique apparaît surtout dans les traits suivants : en démocratie, est vrai ce que croit la majorité ; c'est elle qui « crée » pratiquement la vérité ; la démocratie elle-même n'est vraie que dans la mesure où — et aussi longtemps que — la majorité y croit, elle porte donc en son sein les germes de son suicide. L'autorité, qu'on est bien obligé de tolérer sous peine d'anarchie, vit à la merci des électeurs, d'où l'impossibilité de gouverner réellement ; l'idéal de « liberté » fait du gouvernement un prisonnier qui doit suivre constamment les pressions des divers groupes d'intérêt ; les campagnes électorales elles-mêmes prouvent que les aspirants à l'autorité doivent duper les électeurs, et les moyens de cette duperie sont si grossiers et stupides, et constituent un tel avilissement du peuple, que cela devrait suffire pour réduire à néant le mythe de la démocratie moderne. Ce n'est pas à dire qu'aucun genre de démocratie ne soit possible : mais alors il s'agit d'abord de collectivités restreintes — nomades surtout — et ensuite d'une démocratie intérieurement aristocratique et théocratique, non d'un égalitarisme laïc imposé à de grands peuples sédentaires.<br /><br />