" Nous sommes nous aussi des animaux, et même si nous faisons tout pour l'oublier, nous sommes dans la continuité d'une lignée qui n'a pas gagné grand-chose depuis que l'Arche de Noé a permis de recommencer le monde.

Le hibou et la baleine : le couple est cocasse, mais il correspond en réalité à la façon dont l'écrivain organise l'univers en axes qui se répondent nécessairement : l'est et l'ouest, le dehors et le dedans, les paysages tirés vers le haut et les paysages tirés vers le bas, la diastole et la systole du cœur humain.

Parce qu'il n'affronte pas la lumière du jour, le hibou est symbole de tristesse, d'obscurité, de retraite solitaire et mélancolique. [...] Mais l'image du loubok, représentant un immense hibou perché sur la branche d'un arbre où pour les plumes, les yeux et le bec, les verts tendres se mêlent aux oranges vifs et aux jaunes, transforme l'oiseau nocturne en diurne, en oiseau du paradis, rappelant que l'obscurité ne va jamais sans la lumière.

Le hibou, lui-même double, forme avec la baleine un couple complémentaire. Elle, le féminin, le solaire, le tendre et gros cétacé, la Moby Dick bien-aimée, la protectrice de Jonas, celle qui nous avale mais nous protège, le "poisson" sauveur de toutes les religions, vivant dans l'obscurité comme le hibou mais dans les profondeurs salutaires, comme les mines de charbon où les poètes vont chercher les mots qui sauvent. "

― Nicolas Bouvier , Le hibou et la baleine