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" HAUT CIEL

S'ouvre le ciel touffu au milieu de la nuit
Qui roule du silence
Défendant aux étoiles de pousser un seul cri
Dans le vertige de leur éternelle naissance.

De soi-même prisonnières
Elles brûlent une lumière
Qui les attache, les délivre
Et les rattache sans merci.

Elles refoulent dans les siècles
L'impatience originelle
Qu'on reconnaît légèrement
À quelque petit cillement.

Le ciel de noires violettes
Répand une odeur d'infini
Et va chercher dans leur poussière
Les soleils que la mort bannit.

Une ombre longue approche et hume
Les astres de son museau de brume.

On devine l'ahan des galériens du ciel
Tapis parmi les rames d'un navire sans âge
Qui laisse en l'air un murmure de coquillage
Et navigue sans but dans la nuit éternelle,
Dans la nuit sans escales, sans rampes ni statues,
Sans la douceur de l'avenir
Qui nous frôle de ses plumes
Et nous défend de mourir.

Le navire s'éloigne derrière de hautes roches de ténèbres
Les étoiles restent seules contractées au fond de leur fièvre

Avec leur aveu dans la gorge
Et l'horreur de ne pouvoir
Imaginer une rose
Dans leur mémoire qui brûle. "

Jules Supervielle , Gravitations; Débarcadères


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Jules Supervielle quote : HAUT CIEL<br /><br />S'ouvre le ciel touffu au milieu de la nuit<br />Qui roule du silence<br />Défendant aux étoiles de pousser un seul cri<br />Dans le vertige de leur éternelle naissance.<br /><br />De soi-même prisonnières<br />Elles brûlent une lumière<br />Qui les attache, les délivre<br />Et les rattache sans merci.<br /><br />Elles refoulent dans les siècles<br />L'impatience originelle<br />Qu'on reconnaît légèrement<br />À quelque petit cillement.<br /><br />Le ciel de noires violettes<br />Répand une odeur d'infini<br />Et va chercher dans leur poussière<br />Les soleils que la mort bannit.<br /><br />Une ombre longue approche et hume<br />Les astres de son museau de brume.<br /><br />On devine l'ahan des galériens du ciel<br />Tapis parmi les rames d'un navire sans âge<br />Qui laisse en l'air un murmure de coquillage<br />Et navigue sans but dans la nuit éternelle,<br />Dans la nuit sans escales, sans rampes ni statues,<br />Sans la douceur de l'avenir<br />Qui nous frôle de ses plumes<br />Et nous défend de mourir.<br /><br />Le navire s'éloigne derrière de hautes roches de ténèbres<br />Les étoiles restent seules contractées au fond de leur fièvre<br /><br />Avec leur aveu dans la gorge<br />Et l'horreur de ne pouvoir<br />Imaginer une rose<br />Dans leur mémoire qui brûle.