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" Au bout d'un instanrt de fixité presque douloureuse, j'avais l'impression que mon reflet dans la glace se détachait de la surface polie, avançant vers moi, ou bien reculant plus loin, au-delà de la glace, mais en tout cas cerné par une sort de france lumineuse qui l'isolait de tous les autres reflets, devenus flous, obscurcis. Un effort de plus, et la vibration de la tondeuse sur ma nuque, je ne la sentais plus sur ma nuque, c'est-à-dire, si, je la sentais sur ma nuque, mais là-bas, en face de moi, sur cette nuque qui devait se trouver derrière l'image de ma tête reflétée dans la glace. Aujourd'hui cependant, je n'ai pas besoin de jouer, douloureusement, à égarer autour de moi mes propres sensations corporelles, aujourd'hui, tous les mourceaux brisés et piétinés de mon corps s'éparpillent aux quatre coins de l'horizon restreint du wagon. Il ne me rest plus, bien à moi, à l'intérieur de moi-même, que cette boule de feu, spongieuse et brülante, quelque part derrière mes yeux, où semblent se répercuter, mollement parfois, et soudain d'une façon aiguë, toutes les douleurs qui me parviennent de mon corps briséen morceaux éparpillés autour de moi. "

Jorge Semprún , The Long Voyage


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Jorge Semprún quote : Au bout d'un instanrt de fixité presque douloureuse, j'avais l'impression que mon reflet dans la glace se détachait de la surface polie, avançant vers moi, ou bien reculant plus loin, au-delà de la glace, mais en tout cas cerné par une sort de france lumineuse qui l'isolait de tous les autres reflets, devenus flous, obscurcis. Un effort de plus, et la vibration de la tondeuse sur ma nuque, je ne la sentais plus sur ma nuque, c'est-à-dire, si, je la sentais sur ma nuque, mais là-bas, en face de moi, sur cette nuque qui devait se trouver derrière l'image de ma tête reflétée dans la glace. Aujourd'hui cependant, je n'ai pas besoin de jouer, douloureusement, à égarer autour de moi mes propres sensations corporelles, aujourd'hui, tous les mourceaux brisés et piétinés de mon corps s'éparpillent aux quatre coins de l'horizon restreint du wagon. Il ne me rest plus, bien à moi, à l'intérieur de moi-même, que cette boule de feu, spongieuse et brülante, quelque part derrière mes yeux, où semblent se répercuter, mollement parfois, et soudain d'une façon aiguë, toutes les douleurs qui me parviennent de mon corps briséen morceaux éparpillés autour de moi.