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" L'air de la grève refroidit quand on avance vers le large. La nuit est longue, pleine de fumée, les mouches ont déserté la plage: peut-être qu'il est trop tard et que les insectes aussi dorment quand il fait si noir.
Noé marche lentement. L'eau glaciale lui monte au genoux, mais elle sait nager, même dans les vagues très froides ou quand le presbytère brûle. Elle avance à reculons – dos aux flots, à fixer le village – parce qu'il y a cette ligne, juste sous le nombril: c'est terrible quand le tissu mouille jusque-là. Il vaut mieux se jeter tout le corps à l'eau d'un coup, pour ne pas sentir la barre froide monter le long du linge. De dos, le choc est moins vif contre la peau.
La nuit est grise de fumée, les nuages ressemblent à des éponges de mer qui se gonflent d'orage et de pluie. Noé recule, elle s'enfonce vers le large et soudain, des mains se referment sur ses épaules. Elle ne sursaute pas. "

Audrée Wilhelmy , Oss


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Audrée Wilhelmy quote : L'air de la grève refroidit quand on avance vers le large. La nuit est longue, pleine de fumée, les mouches ont déserté la plage: peut-être qu'il est trop tard et que les insectes aussi dorment quand il fait si noir.<br />Noé marche lentement. L'eau glaciale lui monte au genoux, mais elle sait nager, même dans les vagues très froides ou quand le presbytère brûle. Elle avance à reculons – dos aux flots, à fixer le village – parce qu'il y a cette ligne, juste sous le nombril: c'est terrible quand le tissu mouille jusque-là. Il vaut mieux se jeter tout le corps à l'eau d'un coup, pour ne pas sentir la barre froide monter le long du linge. De dos, le choc est moins vif contre la peau. <br />La nuit est grise de fumée, les nuages ressemblent à des éponges de mer qui se gonflent d'orage et de pluie. Noé recule, elle s'enfonce vers le large et soudain, des mains se referment sur ses épaules. Elle ne sursaute pas.